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A Alep, « Tout blessé est considéré comme mort », « Le plus chanceux sera celui qui mourra »…

14, Déc 2016 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in International     , ,   No Comments


A Alep, l’armée syrienne fait tomber le dernier bastion rebelle. L’évacuation des combattants se fait sous contrôle russe. Nos confrères de Libération ont recueilli quatre témoignages d’Aleppins.

Témoignages recueillis par Hala Kodmani © Libération. Publié le mercredi 14 décembre 2016 à 10h50 – Mis à jour le mercredi 14 décembre 2016 à 10h51

« Le plus chanceux sera celui qui mourra »

Abou Taym Al-Halabi, 22 ans, photographe, père d’un bébé de 2 mois :

« Sous les bombardements qui continuent, dans le froid et la pluie, les gens appellent au secours. Un homme cherche son fils. Une femme pleure en hurlant de peur sous les obus qui tombent autour d’elle. Un jeune homme ne retrouve pas son vieux père. Toutes les minutes, une lumière rouge effrayante éclaire le ciel et puis on entend l’explosion. Les avions ne quittent pas le ciel. Le seul un peu détendu, c’est mon bébé, qui laisse ses parents s’angoisser pour lui et ne se rend compte de rien. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’est pas en danger. Les gens sont en train de fuir, le bruit des affrontements se rapproche de plus en plus. Mais il n’y a plus d’endroit où fuir. Le plus chanceux sera celui qui mourra. Il ira au ciel. Dieu est plus clément que toute cette planète. Voilà, je vous ai décrit Alep ce mardi. »

 

« On a autant peur des milices du régime que de la mort »

Oum Ahmad, mère de trois enfants, vit dans le quartier de Salaheddine :

« On est entassés à cinq familles dans notre appartement en rez-de-chaussée. Les gens n’ont plus d’abri, ils dorment les uns chez les autres dans les rares maisons encore habitables ou des locaux commerciaux. Certains ont même étalé leur matelas dans les rues. Il nous reste un peu de riz et de boulgour du temps où on nous distribuait des aides. Mais on n’a pas goûté au pain depuis plus de dix jours. Il n’y a plus de farine et les boulangeries n’ont plus de combustible pour les fours. L’aviation a visé les puits d’eau, les générateurs électriques et les centres médicaux pour couper tous les ressorts de la vie et obliger les gens à se rendre. On a peur de la mort mais presque autant que de l’invasion par les milices du régime. On peut être tuées ou violées. A tout instant, un massacre peut se produire. L’immeuble à côté vient d’être bombardé. Douze personnes sont sous les décombres. »

 

« Tout blessé est considéré comme mort »

Ahmad Najjar, 23 ans, ancien étudiant en pharmacie, aide-soignant dans le quartier de Maschad :

« Nous sommes près de 120 000 habitants coincés sur 1 km2. Les combats se poursuivent autour de nous. J’ai compté deux cents obus tombés au cours des quatre dernières heures. La situation humanitaire est désespérée. Nous avons dû arrêter tous les services médicaux. Plus de locaux pour soigner, plus de matériel et pratiquement plus de cadres médicaux. Quand ils sont épargnés par les bombes, les gens tombent gravement malades à cause du froid et de la malnutrition. Ces derniers jours déjà, les ambulances ne pouvaient plus rouler faute de carburant. On a transporté les blessés sur de vieilles charrettes de marchands de fruits. Quand le centre médical a été touché, les malades et les blessés sont sortis dans les rues en pyjama, avec leur perfusion au bras. Aujourd’hui, tout blessé est désormais considéré comme mort. »

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Source: La libre.be