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CANDRIARD Adrien « COMPRENDRE L’ISLAM ou plutôt : pourquoi on n’y comprend rien »

07, Juil 2017 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Actualités Islam,Islamisme,radicalisme     , ,   No Comments

 

CANDRIARD Adrien « COMPRENDRE L’ISLAM ou plutôt : pourquoi on n’y comprend rien »

(éd Flammarion, Champs, Actuel, 2016, 125 p.) (1)

 

Dans le chapitre 2, « Comprendre les crises de l’islam contemporain », l’auteur analyse d’abord l’évolution du conflit chiisme – sunnisme. D’abord politique, il est devenu plus religieux, le chiisme reprochant au sunnisme son caractère trop juridique et littéraliste. Au XXe siècle, cette différence diminue et le conflit devient plus politique : l’Iran contre l’Arabie saoudite. L’Iran a ses alliés : les alaouites en Syrie, les houthistes au Yémen, etc. A l’ouest les chiites sont plus discrets.

 

Du coté sunnite, deux forces se disputent la définition de l’islam orthodoxe : l’islam traditionnel, impérial issu de l’empire ottoman intégrant sa diversité dans des positions modérées, avec 4 écoles de droit. C’est l’islam « du juste milieu » issu de l’école acharite et du grand théologien Ghazali (mort en 1111) pour qui le sens littéral du Coran n’est que l’un des sens possibles. Exemple de cette modération : la lapidation des adultères, durant les 4 siècles de l’empire ottoman, n’a eu lieu qu’une seule fois, à Istanbul, suscitant une vive émotion. (elle n’est d’ailleurs pas dans le Coran, mais dans un hadith). L’apostasie est cependant punie de mort, ce qui montre les limites de cette tolérance.

 

A la fin du 18e siècle nait en Arabie le wahabbisme, particulièrement sectaire et se basant sur son idée très rigoriste et littéraliste des « salaf », « les pieux anciens » de l’islam. Les autres musulmans sont vus comme hérétiques (« apostats »). L’Arabie saoudite, indépendante depuis 1932, soutient une énorme propagande salafiste dans tout le monde musulman et crée beaucoup d’universités. Pour ces « salafistes » il suffit de lire le Coran pour le comprendre et toute interprétation est interdite en tant qu’innovation. Ce salafisme n’est pas nécessairement violent et il est apolitique, ce qui arrange bien les pouvoirs établis (cm l’Arabie Saoudite) qui le soutiennent. « Force est de reconnaitre que l’influence du salafisme est grandissante, dans le monde arabe comme en Europe » (p.72) et impose largement sa conviction d’être le seul véritable islam. Il est contre la démocratie, contre la déclaration universelle des droits de l’homme, contre les droits des femmes, contre l’islam des Lumières, la modernité, la laïcité et la liberté religieuse. Évidemment, tout cela mène aisément aux positions du djihadisme : « la grande majorité des salafistes est absolument pacifique », mais « guerrier ou non, le salafisme crée les conditions intellectuelles et spirituelles de la violence » (p. 70). Quant à l’islam des Lumières, « force est d’admettre qu’il ne pèse encore guère dans les débats internes de l’islam contemporain » (p.75).

 

« Salafisme » ou « islamisme »

Adrien Candriard recommande de ne pas confondre les deux. « Le terme ’islamisme’ devrait être réservé à l’islam politique : « organisations politiques structurées cherchant à prendre le pouvoir pour mettre en place un régime vu comme islamique ». (p 76). La principale organisation est celle des Frères musulmans pour qui « L’islam est la solution, le Coran notre constitution, notre Loi la Charia » (« mais de quel islam parle-t-on ? » (p 76). Certains islamistes prônent un islam de type salafiste, mais pour les salafistes la question du pouvoir est secondaire, ils veulent surtout vivre comme les « pieux anciens » et rejettent la notion d’Etat-nation, comme on le voit aussi chez Daesh. C’est en effet des salafistes – et jamais des Frères Musulmans – que proviennent les mouvements djihadistes terroristes, quoique les Frères Musulmans n’hésitent pas à utiliser la violence (assassinats politiques ou coups d’Etat par exemple).

Résumé de Philippe de Briey sur reli-infos.be

(1) L’auteur est membre de l’Institut dominicain d’études orientales (IDEO) au Caire. Ce petit livre nous a paru très éclairant.