« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )

Condamner les attentats au nom de leur religion ?

15, Août 2016 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Uncategorized     ,   No Comments

Le dilemme des Français musulmans

LE MONDE | 01.08.2016  | Par Elvire Camus  ((extraits)

Un homme se lève après l’intervention du prêtre. « Je suis désolé, mais je suis gêné par le caractère religieux de ce rassemblement. Je voulais de la fraternité, pas des paroles religieuses », dit-il en quittant le gymnase, manifestement très ému. Dimanche 31 juillet, les habitants d’Aubervilliers étaient invités à partager « un moment de fraternité » après l’assassinat du père Hamel, à Saint-Etienne-du-Rouvray, cinq jours plus tôt. Une centaine de personnes de confessions catholique, musulmane, juive, protestante ainsi que des athées se sont réunies au gymnase Manouchian à l’initiative d’Auberfraternité, un collectif interreligieux fondé après les attentats de janvier 2015. Dès la première prise de parole, la question de la désolidarisation prend le pas sur cet après-midi de recueillement.

Au milieu de son discours en forme d’hommage, le prêtre qui s’exprime au nom de la communauté catholique demande aux musulmans « d’abolir certains versets violents du Coran ». Le rabbin qui prend la parole après lui – et fait l’amalgame entre Arabes et musulmans – regrette que ces derniers ne condamnent pas davantage les attentats djihadistes. « Je voudrais une grande marche des musulmans entre la place de la Nation et la place de la République, réclame-t-il, mais elle n’a pas lieu. » Et d’insister, alors que des voix s’élèvent en signe de protestation : « Je ne vois pas les musulmans prendre la parole à la télévision pour condamner les attaques barbares. » Les paroles se tendent, « on n’a pas besoin de ça », « on ne peut pas vous laisser dire ça », disent certains. D’autres quittent la salle.

A un détail près

Chaque attentat suscite le même enchaînement de réactions. La succession d’attaques ignobles perpétrées cet été le montre une nouvelle fois. Il y a d’abord l’horreur, la tristesse, le deuil, puis les questions, la recherche d’explications, la colère parfois. Pour les Français de confession musulmane, le schéma est le même, à un détail près. A l’horreur, au deuil, aux questions, s’ajoute la nécessité de se justifier. De se désolidariser des actes barbares commis par ceux qui disent agir au nom de leur religion.

(…) Lamine, la trentaine, est venu au gymnase Manouchian car il a ressenti le besoin de se rassembler. Il juge les propos du rabbin « blessants ». Pour lui, les musulmans sont « doublement victimes » en cas d’attentat djihadiste, à la fois comme Français et comme musulmans. Mais il estime qu’il est important de condamner le terrorisme qui veut « salir [leur] religion ».

Même discours chez Faryal, 28 ans, qui prend la parole au nom de l’Association des musulmans d’Aubervilliers (AMA). « Nous le répétons ici, nous condamnons ces actes barbares au nom de tous les musulmans et de l’islam. (…) Vos joies sont les nôtres. Vos tristesses sont les nôtres », affirme-t-elle à la tribune. Elle est certaine que cette démarche est nécessaire, même si les amalgames entre musulmans et terroristes ne la laissent pas indifférente :

« Les gens ont besoin de savoir que l’on condamne. Si ça peut contribuer à apaiser la situation, il faut le faire, peu importe si l’on se répète. »

Au départ timide ou peu relayée, une prise de position claire de la part des Français musulmans semble aujourd’hui faire l’unanimité. Une quarantaine de Français de confession musulmane ont signé une tribune en ce sens dans Le Journal du dimanche du 31 juillet  (…)

Pour Rachid Zairi, conseiller municipal à Aubervilliers et membre de l’AMA, il faut toutefois distinguer les représentants religieux des fidèles. C’est le rôle des premiers de s’exprimer selon lui. Demander directement aux seconds de le faire peut être vécu comme une frustration. « Quand ça prend la forme d’une obligation, surtout si c’est à la demande de responsables politiques, comme c’est le cas en ce moment, on fait le rapprochement trop simple entre la communauté musulmane et l’acte criminel », explique-t-il. (…)

Elvire Camus , Journaliste au Monde

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