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car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )

De Nasser à Sisi, le difficile équilibre des coptes

13, Mar 2018 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in International     , , ,   No Comments

Bien que les voix contraires augmentent au sein de la communauté, les élections imminentes en Égypte pourraient confirmer le positionnement des chrétiens au côté du président ‘Abd al-Fattah al-Sisi.

En marchant sur les traces de son prédécesseur, Gamal ‘Abd al-Nasser, le ra’is essaye aujourd’hui de faire taire les critiques de ceux qui accusent l’État de ne pas en faire assez pour protéger les droits des chrétiens en Égypte.

01/03/2018 | Alessia Melcangi

Chrétiens dans le monde musulman,  Dernière mise à jour: 02/03/2018 15:42:43

La cathédrale consacrée aux 21 coptes décapités par l’État Islamique en Libye en 2015 a été inaugurée en février dans le petit village de al-Ur, au Sud de l’Égypte. Construite aux frais du gouvernement, la nouvelle église s’inscrit dans la stratégie du président ‘Abd al-Fattah al-Sisi, qui se représente devant les urnes en mars, de renforcer l’alliance avec l’Église copte.

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 Sisi et Tawadros II

Environ cinquante ans après, c’est le président actuel, ‘Abd al-Fattah al-Sisi, qui a voulu publiquement renouveler ce pacte de Nasser avec les coptes au cours d’une cérémonie majestueuse. Le 6 janvier 2018, à l’occasion de la fête de Noël copte, l’actuel ra’is égyptien a inauguré avec le patriarche Tawadros II la nouvelle cathédrale qui, dans les intentions du président, devrait devenir la plus grande église chrétienne du Moyen-Orient.

 

Construite à 40 kilomètres à l’est du Caire, sur le site où s’élèvera le “Nouveau Caire” (la future capitale administrative et financière d’Égypte selon le programme d’expansion urbaine prévue par le gouvernement), la cathédrale a été construite en un temps record pour permettre au gouvernement égyptien de montrer lors d’une occasion solennelle qu’il a réalisé également cet objectif.

 

Le rappel iconographique et symbolique de Nasser et Cyrille VI est évident : le président égyptien actuel, Sisi, veut renouveler le pacte d’alliance et de collaboration stipulé il y a des années avec l’Église en essayant, ainsi, de dépasser les critiques de ceux qui accusent l’État de ne pas en faire assez pour la tutelle des droits et la protection des chrétiens en Égypte. Et le discours prononcé par Sisi, en rappelant l’appel à l’unité nationale entre chrétiens et musulmans sans divisions ni différences, fait écho aux paroles souvent utilisées par Nasser dans ses discours publics.

 

Mais les églises du Caire ressemblent à des forteresses barricadées à cause des mesures de sécurité considérables qui par ordre du gouvernement sont prédisposées dans chaque lieu de culte du pays, une conséquence de la violence qui a vu ces dernières années les coptes devenir la nouvelle cible des attaques terroristes menées par l’État Islamique.

 

De l’assassinat et de l’évacuation forcée en 2017 de plusieurs dizaines de chrétiens à al-Arish, capitale du gouvernorat du Nord Sinaï – où ces jours-ci a lieu une vaste opération anti-terrorisme des forces armées et des forces de l’ordre – , à l’attaque brutale du 11 décembre 2016 dans la cathédrale copte du Caire et au double attentat du dimanche des Rameaux, le 9 avril 2017, à Tanta, dans le Delta du Nil et à Alexandrie : les dernières attaques contre les coptes laissent présager que la violence terroriste ne se  limite plus à la péninsule du Sinaï mais se déplace vers les principaux centres urbains, en mettant encore à l’épreuve la validité de la promesse de sécurité lancée par Sisi comme le pivot de sa propagande.

 

En plus des actes de violence et d’intimidation persistent encore aujourd’hui les conditions de discrimination politique, économique et sociale qui pèsent sur la communauté chrétienne la plus nombreuse du monde arabe.

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Un mouvement de dissidence au sein de la communauté réclame un retour de l’Église à sa mission spirituelle

Les élections présidentielles se tiendront du 26 au 28 mars, et en l’absence de rivaux crédibles, obligés de se retirer ou arrêtés durant ces derniers mois, le résultat en faveur de Sisi, qui a proposé à nouveau sa candidature, semble certain.

 

L’Église copte, comme dans le passé, s’est rangée au côté du président, prête à soutenir la campagne électorale. Et cela malgré la présence d’un mouvement de dissidence au sein de la communauté qui réclame depuis longtemps un retour de l’Église à sa mission spirituelle, assombrie désormais par la mission purement politique, qui de fait a phagocyté les institutions laïques de la communauté. Ce sont les voix d’un groupe consistant de jeunes coptes qui ont participé à la révolte de 2011 et qui s’est fait le porteur des instances de démocratie, de liberté et d’une participation politique totale, libérée des dynamiques identitaires et sectaires. Des aspirations qui ont rapidement échoué au cours des phases agitées de la transition.

 

En effet, le patriarche Tawadros II semble plus qu’aligné sur la politique du gouvernement, en renouvelant ce célèbre pacte entre politique et religion qui a eu sa plus grande expression durant les années de Nasser et qui est maintenant reproposé avec urgence, juste avant les nouvelles élections. Et ce n’est pas le fruit du hasard si une série de lieux de culte ont récemment reçu des subventions pour leurs travaux de restauration.

 

Malgré les opérations antiterroristes désastreuses lancées au Sinaï et, surtout, la condition économique dans laquelle plonge le pays (avec une inflation de 18 %, le chômage des jeunes qui atteint presque le seuil des 40 % et un taux de pauvreté, passé de 28 % en 2015 à 33 % aujourd’hui), le gouvernement de Sisi représente encore pour les coptes d’Égypte une barrière de protection et une garantie de stabilité politique.

 

Et les élections imminentes pourraient confirmer, encore une fois, le positionnement de la communauté chrétienne conduite par le patriarche fidèlement au côté du ra’is, malgré la présence de nombreuses voix critiques parmi les jeunes et les intellectuels envers l’autoritarisme du président.

texte complet sur https://www.oasiscenter.eu/fr/coptes-en-egypte-de-nasser-a-sisi

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que la responsabilité des auteurs et ne reflètent pas nécessairement la position de la Fondation Internationale Oasis