« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )

La radicalisation en Afrique de l’Ouest inquiète l’Église catholique

07, Juin 2018 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in radicalisme     , , ,   No Comments

 

Lors d’une conférence organisée à Rome par Urbi & Orbi Africa, lundi 22 mai, plusieurs experts ont insisté sur l’importance du dialogue religieux en Afrique, malgré la montée d’une forme « rigoriste » de l’islam.

Comment réagir face aux mutations qui touchent l’islam en Afrique de l’Ouest ? C’est à cette question que deux prêtres ont tenté d’apporter des réponses, lundi 22 mai à Rome, au cours d’une conférence organisée à l’institut français Saint-Louis par Urbi & Orbi Africa, en présence de diplomates et de nombreux responsables religieux.

« En Afrique occidentale, l’islam est majoritaire presque partout », a expliqué le Père Angelo Romano, responsable des relations internationales pour la communauté de Sant’Egidio. Ce prêtre italien se rend régulièrement sur le continent africain, où sa communauté a pris part depuis plusieurs années à de nombreuses médiations de paix, comme en Centrafrique, au Burkina Faso ou en Côte d’Ivoire. Selon lui, l’islam dans les pays d’Afrique de l’Ouest fait face aujourd’hui à une forte mutation.

« Ces mouvements de modernisation d’un islam traditionnellement très ouvert ont notamment été influencés par le wahhabisme » venu d’Arabie saoudite, a poursuivi le Père Romano. Cette vision stricte de l’islam percute de plein fouet la pratique de la religion musulmane telle qu’elle était vécue jusqu’alors dans plusieurs pays, comme au Sénégal, où les confréries soufies occupent encore une place très importante.

À lire aussi. Au Sénégal, les confréries soufies, socle de la stabilité sociale

« Face à ces évolutions, a-t-il poursuivi, les responsables musulmans africains tentent de résister en organisant leurs propres formations, alternatives, comme ils le font au Maroc. » Depuis le début des années 2010, le royaume a en effet mis en place des formations pour les imams, auxquels participent de nombreux responsables religieux venus d’Afrique subsaharienne.

Ce constat est en grande partie partagé par le Père Jean-Paul Sagadou, supérieur de la communauté assomptionniste de Ouagadougou. « Nous passons d’un islam modéré à un islam plus rigoriste », a-t-il expliqué, en parlant d’une « montée de l’intolérance à bas bruit ». « Au Nigéria, à Noël dernier, nous avons assisté à une campagne, déployée sur les réseaux sociaux, qui encourageaient les musulmans à ne pas serrer la main des chrétiens pour leur souhaiter bonne fête, en présentant les Églises comme des agents de l’Occident. »

« Discours désabusé »

« Beaucoup voient notre continent comme une région sans avenir et sans espoir. Chez les jeunes que je rencontre, ce discours désabusé est parfois très présent », a expliqué le prêtre burkinabè. Ce dernier a également évoqué le pentecôtisme, dont le développement dans certains pays de la région « crée aussi une forme de violence ».

Face à cette situation, l’Église catholique tente de continuer à promouvoir le dialogue, comme elle le fait par exemple à Sokodé, dans le centre du Togo, a expliqué le Père Jean-Paul Sagadou. Dans la deuxième ville togolaise, dont plus de 70 % des habitants sont musulmans, sa congrégation a ouvert un centre culturel interreligieux. Une fois par an, ce prêtre propose également à des jeunes, musulmans, protestants et catholiques, de visiter un pays d’Afrique pour en connaître les initiatives interreligieuses.

« Nouveaux acteurs »

« Il s’agit de savoir sur quel type d’initiatives nous voulons nous appuyer pour que les conflits interreligieux ne bloquent pas le développement du continent », a poursuivi le prêtre de Ouagadougou. Il a notamment évoqué la nécessité de développer un « dialogue constructif » entre les responsables religieux locaux. « Dans plusieurs pays, on constate une ignorance réciproque entre musulmans et catholiques : les prêtres résument l’islam à la violence, et les imams ne connaissent rien au christianisme », a-t-il déploré.

Il a aussi souligné l’apparition de « nouveaux acteurs », actifs dans le domaine du dialogue interreligieux, comme la Cédéao ou des intellectuels africains comme le professeur Albert Tévoédjrè, au Bénin. « C’est un phénomène assez récent. Il y a quelques années, les institutions se tenaient par exemple éloignées des questions religieuses », a estimé le Père Sagadou.

À lire. Albert Tévoédjrè, missionnaire béninois de la paix

« Ce sont des questions vitales », a également insisté le Père Romano. « Le pape nous montre que la rencontre est la seule alternative à la barbarie. »

Loup Besmond de Senneville (à Rome)

Source:  : https://africa.la-croix.com/radicalisation-afrique-de-louest-inquiete-leglise-catholique/#comments

23 mai 2017 1 commentaire