« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )

Le dialogue avec les musulmans doit partir du dialogue entre nous

06, Déc 2017 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Dialogue     , , ,   No Comments

13/11/2017 | Angelo Scola.

Une connaissance réciproque et aimante qui sache raconter la beauté du vivre ensemble: tel est l’unique antidote à toute forme de terrorisme.

Est-il réellement possible de défaire le djihadisme et les autres formes de terrorisme ? La question s’est faite encore plus pressante après les derniers attentats en Espagne et en Angleterre.

La peur ne suffit pas, ni la condamnation sans appel, ni la colère devant des actes aussi monstrueux. Ni le travail nécessaire pour mettre en oeuvre des mesures de sécurité adéquates : celles-ci ne sauraient jamais suffire de toute façon à éviter l’action mortelle des hommes-bombes.

Souvent, la réponse que nous donnons, nous, Européens  –  « Nous ne changerons pas nos styles de vie » – ressemble davantage à une proclamation de fermeté qu’ à une voie à suivre. C’est une réponse qui ne manque pas de courage. À condition que l’on soit bien conscient qu’elle pose une question encore plus radicale. « Quels sont, de fait, nos styles de vie ? ».  Cela a-t-il suffi en son temps d’assurer : « Nous reviendrons au Bataclan ou au stade ou à une promenade sur le bord de mer à Nice ? ».

Nous, hommes du Troisième Millénaire, si nous voulons affronter ce tournant de l’histoire que le pape François a défini « un changement d’époque, non une époque de changement », nous ne pouvons éviter de nous confronter à une question décidément plus ardue :  « Que veut être l’homme du Troisième Millénaire ? ».

La question du sens

C’est la question du sens, c’est-à-dire de la signification et de la direction à donner à notre vie personnelle et sociale. Indépendamment de cette mondovision dont nous nous inspirons tous, hommes croyants, de croyances différentes ou non croyants, nous ne pouvons plus éluder cette question qui nous provoque.

Le travail que réalise Oasis depuis une quinzaine d’années fait une analyse serrée, entre autres, du défi que nous lance une partie du monde musulman: «Vous êtes une “non-civilisation”. Vous avez perdu toute foi, vous parlez de droits et puis souvent vous les foulez aux pieds. Et surtout vous n’avez cessé de parcourir, en des modalités de plus en plus retorses, la voie de la domination».

Nous ne pouvons ici nous attarder dans l’analyse des problématiques qui, sur le plan religieux, civil, politique, économique et écologique, nous affligent. Ni rendre compte d’une civilisation qui produit pauvreté et exclusion, ici, chez nous, et en différents points du monde. Sans parler de notre facilité à oublier l’histoire mondiale dans sa totalité. Celle-ci n’enregistre pas seulement des violences dans nos rapports avec les musulmans, et devrait de ce fait nous inciter à ne plus parler en termes de “nous” et “eux”.

Il faut chercher le juste sens du vivre et le partager en une confrontation passionnée orientée vers une reconnaissance réciproque: pour le faire avec les musulmans, il faut recommencer à le faire entre nous, ici, chez nous.

Le poète T.S.Eliot a parlé en son temps d’hommes « empaillés ». Un adjectif qui pourrait s’appliquer parfaitement à nous, occidentaux du Troisième Millénaire, perdus dans un narcissisme autistique qui nous empêche d’aimer l’autre parce que nous ne nous laissons pas aimer de Dieu.

Un instrument ouvert à tous

Peut-être est-ce de cette humble prise de conscience que nous devrions repartir pour dialoguer avec tout autre homme, avec notre « frère homme », pour reprendre l’expression de Karl Barth.  Y compris avec les musulmans. Une connaissance réciproque et aimante qui sache raconter la beauté du vivre ensemble est le seul antidote à toute forme de terrorisme.

La Fondation Internationale Oasis entend être un instrument ouvert à tous, et surtout à ceux qui veulent construire une « civilisation de la vérité et de l’amour », selon les termes de saint Jean-Paul II.

Texte traduit de l’italien

ociete