« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )

Tahar Ben Jelloun explique le terrorisme aux enfants

21, Sep 2016 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in terrorisme     ,   No Comments

. Un essai réaliste plus difficile à écrire que les précédents. Entretien.

Près de vingt ans après « Le racisme expliqué à ma fille » (Seuil, 1998), voici « Le terrorisme expliqué à nos enfants », et aux adultes, un essai dans lequel Tahar Ben Jelloun (« La Nuit sacrée », 1987) se montre réaliste, voire pessimiste. Il n’est en effet guère question ici de voiler la face au lecteur, fût-il jeune. Dans le souci de pédagogie qui le caractérise, le membre de l’académie Goncourt fournit un véritable travail de clarification sans oublier de remonter aux origines du terrorisme, ce régime de la Terreur sous Robespierre raconté dans tous les manuels scolaires français. Un travail d’autant plus important que les jeunes sont une proie privilégiée qui s’est installée au cœur de l’Europe.

« Je voulais, nous dit-il, leur donner les éléments pour qu’ils puissent démonter le système, resituer ce qui arrive dans un contexte politique assez trouble….

Un large chapitre est également consacré au conflit israélo-palestinien pour lequel l’écrivain adopte une position tranchée, considérant généralement les Palestiniens comme des résistants et non des terroristes. « On ne peut pas ignorer qu’un peuple est occupé par Israël qui jouit d’impunité de la part des Nations unies. Dans les écoles, les adolescents d’origine arabe s’étonnent de la manière dont les médias traitent Israël », répond-il à ce sujet.

A l’origine d’une collection qui rencontre un franc succès et compte déjà trente-deux titres, Tahar Ben Jelloun aurait pu prendre la plume au lendemain des attentats contre « Charlie Hebdo », le 7 janvier 2015, mais il pensait alors qu’il s’agirait d’un acte isolé. Lors des attentats du 13 novembre à Paris, il a repris son bâton de pédagogue pour un ouvrage plus difficile à écrire que les précédents « parce qu’il fallait établir la distinction entre terrorisme et résistance. Les Français qui faisaient sauter un train allemand étaient considérés comme des terroristes pendant la guerre mais comme des résistants ensuite. Ici, nous sommes face à des individus animés par la haine et qui veulent faire du mal pour des raisons obscures. Personne ne colonise leur terre ou n’attaque la religion musulmane. Au contraire, l’islam ne cesse de s’étendre et connaît une période d’extension. C’est le djihadisme qui fait le plus de mal à l’islam. Il s’est éloigné du djihad défini dans le Coran et qui encourage à faire un effort sur soi, à s’améliorer, à être en accord avec la religion. »

Malgré la limpidité de son raisonnement, l’auteur ne cache pas ses difficultés à trouver les mots justes pour expliquer le départ pour la Syrie d’une jeune fille de 19 ans qui n’a manqué ni d’amour ni d’éducation. « Cela dépasse l’entendement. Il faut se méfier du travail de propagande sur Internet qui est redoutable. Ce sont de vrais professionnels. Il n’est plus question aujourd’hui de laisser un jeune seul dans sa chambre face à son ordinateur. Il faut qu’il y ait une mobilisation générale contre cet ennemi prêt à surgir de partout même si le plus grand danger n’est autre que la montée de l’extrême droite. » Et de rappeler, malgré tout, que l’Europe vit dans une paix incroyable par rapport à la Seconde Guerre mondiale, avant de refermer le livre sur une note d’espoir et le rôle essentiel de l’éducation.

Source: La Libre du 21-9-16

« Le terrorisme expliqué à nos enfants »,  Tahar Ben Jelloun,  Seuil,  143 pp., env. 9 €. Dès 14 ans