« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )

Tariq Ramadan – Prises de position pour un traitement juste

17, Fév 2018 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Actualités Islam     No Comments

 

Voici pour info, d’abord le communiqué de EMN (European Muslim Network), puis celui de Mme Houria Bouteldja. EMN demande qu’il soit « traité avec dignité et considération comme n’importe quel citoyen… sereinement en dehors de tout enjeu politique ». Mme Bouteldja, quant à elle, s’insurge contre les traitements discriminatoires à l’égard des hommes indigènes.

  

EUROPEAN MUSLIM NETWORK – EMN

Communiqué

EMN s’alarme de la situation de son président Professeur Tariq Ramadan, accusé de viols par deux femmes en France. La justice a été saisie de l’affaire.

Cette situation nous inquiète fortement d’autant plus que certains médias livrent un procès avant l’heure sans retenue et à charge contre le Professeur Ramadan.

Nous, membres d’EMN, sommes inquiets de ce traitement à charge, au vu d’autres traitements de dossiers accablants, et qui sont protégés et bénéficient du soutien des politiques et des médias sur la base de la présomption d’innocence.

Le professeur Tariq Ramadan bénéficie de tout notre soutien, et a le droit élémentaire le plus strict à être traité avec dignité et considération comme n’importe quel citoyen. Les musulmans du monde entier, et en particulier les Français, suivent le déroulement de cette affaire avec attention d’autant plus que sa santé nécessitant un traitement se dégrade. Nous attirons l’attention sur l’état de sa santé. Nous espérons que la prise en charge se fera assez rapidement.

Nous appelons à la retenue et à la sagesse dans un dossier présenté à charge contre un homme en instrumentalisant une cause qui est la lutte des femmes contre le sexisme et les violences qu’elles subissent. La justice doit s’opérer sereinement en dehors de tout enjeu politique. Salir la réputation d’un homme mondialement respecté en s’appuyant sur des pratiques criminelles dont sont victimes malheureusement beaucoup de femmes est indigne et inacceptable.

 Les membres EMN

Bruxelles, le 15-2-2018

 


 

Déclaration de Mme Houria Bouteldja

Oui à une sévérité exemplaire contre le viol

Non au traitement raciste de Tariq Ramadan

En tant que femme, j’exige que le viol soit sévèrement puni quel que soit l’auteur du crime, Blanc ou Noir.

En tant que femme indigène, j’exige la même répression contre tous les auteurs de viol, Blancs ou Noirs.

Oui, la justice française est patriarcale et, oui, elle est tendanciellement complaisante à l’égard des crimes sexuels notamment lorsqu’ils sont commis par des hommes de pouvoir. Oui, la parole des femmes est constamment méprisée et délégitimée. Mais il y a une exception : lorsque l’auteur est réputé Noir, Arabe, Musulman ou habitant de banlieue.

Là, la justice devient tendanciellement raciste. Les choses s’inversent : les hommes qui sont généralement plutôt protégés au détriment des femmes perdent toute immunité, voire sont condamnés d’avance. Cela est vrai tant pour les délits que pour les crimes. C’est la raison pour laquelle les hommes issus de l’immigration sont surreprésentés en prison.

Croit-on vraiment défendre la cause des femmes en chargeant une catégorie d’homme et en organisant l’impunité des autres ? Croit-on vraiment servir la cause des femmes quand les auteurs – présumés ou reconnus – d’agressions sexuelles caractérisées mais bénéficiant de leur situation de pouvoir jouissent de leur liberté et de leur présomption d’innocence avec le soutien de leurs pairs pendant que Tariq Ramadan, déjà condamné par le tribunal médiatique, écope d’une détention provisoire à laquelle ont échappé et échappent Dominique Strauss-Kahn, Patrick Balkany, Georges Tron, Gérard Darmanin, Denis Baupin, Thierry Marchal-Beck, Frédéric Haziza, Jean-Claude Brisseau, Gilbert Cuzou et tant d’autres. Évidemment, toutes ces affaires ne sont pas similaires mais les différences de traitement médiatique, politique et judiciaire réservé à ces hommes avec celui infligé à Tariq Ramadan, en dit long. Dans le cas de Gilbert Cuzou, plus particulièrement, il est édifiant de noter que même s’il a été mis en examen pour cinq agressions sexuelles, il a pu ressortir libre, dans l’attente du procès. Tariq Ramadan croupit lui à Fleury-Mérogis depuis le 2 février.

L’humiliation et le traitement discriminatoire des hommes indigènes ont des conséquences désastreuses sur nos vies de femmes. Ils ont des conséquences funestes sur la vie de nos enfants et de nos communautés qui en paient collectivement le prix.

Quant à l’impunité des hommes blancs en particulier, elle a des conséquences désastreuses sur la vie des femmes en général.

Le silence des féministes sur cette différence de traitement a déjà des conséquences néfastes sur leur propre cause car non seulement le patriarcat se renforce mais en plus cette indifférence ne fait que creuser l’abîme qui existe déjà entre les femmes blanches et celles issues des immigrations post-coloniales dont l’union est pourtant fondamentale pour les luttes d’émancipation.

Ainsi, la seule sortie par le haut qui s’offre à nous toutes c’est d’exiger, quelle que soit l’issue de la procédure concernant Tariq Ramadan, et sans préjuger de sa culpabilité ou de sa non culpabilité, qu’il soit traité  sans être humilié, c’est à dire, dignement. A tout le moins comme les autres…ou que les autres soient traités comme lui. C’est urgent et non négociable.

En mon âme et conscience, Houria Bouteldja