« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )

Voici pourquoi de plus en plus d’ados sont attirés par le djihadisme

03, Nov 2016 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in terrorisme     ,   No Comments

Ce processus de radicalisation, le pédopsychiatre Daniel Marcelli l’a décrit dans son dernier ouvrage (« Avoir la rage : du besoin de créer à l’envie de détruire », Albin Michel, 2016). « La Libre » l’a rencontré.

Jacques Laruelle, ds La Libre. Publié le jeudi 03 novembre 2016. EXTRAITS

Le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw l’a répété récemment : l’endoctrinement des jeunes peut poser problème. « De plus en plus de jeunes, souvent vulnérables, vont, avec les nouvelles technologies, chercher des informations par eux-mêmes et tombent sur de faux prophètes. Il faut protéger nos sociétés mais aussi ces jeunes qui, je le répète, sont très vulnérables » , a-t-il expliqué à Paris, au cours d’une conférence de presse commune avec le procureur de Paris, François Molins.

Ce processus, le pédopsychiatre Daniel Marcelli, le connaît bien. Il y a réfléchi dans un groupe de travail au tribunal des mineurs de Paris. Il a écrit sur le sujet dans son dernier ouvrage (« Avoir la rage : du besoin de créer à l’envie de détruire », Albin Michel, 2016). Il a tenté de comprendre le processus de l’engagement radical. « La Libre » l’a rencontré.

Cet engagement, explique-t-il, survient souvent dans un contexte de fragilité, en lien avec l’adolescence, dont un des affects particuliers est la rage, qui traduit une revendication de reconnaissance. Cette rage peut soutenir la créativité mais peut aussi se transformer en force destructrice.

Plus un adolescent ressent la rage, plus il risque de se mettre à l’écart. (…)

Les visiteurs d’Internet

Aujourd’hui, poursuit le Dr Marcelli, ce jeune se retrouve sur Internet où il peut rencontrer des personnes qui vont donner à sa rage ses lettres de noblesse, la cautionner, la caresser dans le sens du poil. « Il est envahi par les visiteurs d’Internet. Il y en a quelques-uns qui sont bienveillants. Il y en a beaucoup qui sont malveillants. »

Le jeune peut aussi se retrouver sur des sites pornographiques. Cela ne pose pas véritablement de problèmes si l’usage est modéré. Mais, si le jeune y passe tout son temps, il se sent rabaissé, voire dégoûté de lui-même, tout en étant capté par des images qui l’emprisonnent.

Sites complotistes

Bien souvent, ces jeunes vont également sur des sites complotistes – des policiers l’ont aussi constaté. Ces sites fonctionnent sur le mode : « Je t’ai repéré, tu es plus malin que les autres. Je vais te dire ce qu’on cache aux autres. » Le recruteur travaille sur ces mêmes ressorts : « Tu fais partie des initiés, qui savent ce que les autres ignorent. »

Le sentiment de faire partie des « initiés » peut restaurer chez le jeune en mal-être l’estime de lui-même. En plus, poursuit le Dr Marcelli, sur ces sites complotistes, on dit au jeune qu’on lui cache des choses. Et que c’est délibéré. On donne au jeune une cible à sa rage. A la fois, on restaure l’estime du jeune et on montre du doigt le responsable.

« Une fois qu’un jeune est plongé dans ce bain de sites complotistes, il est totalement mûr pour rencontrer ce que j’appelle le séducteur narcissique, le séducteur de l’Etat islamique » , explique Daniel Marcelli. Celui-ci approche le jeune en expliquant qu’il le comprend, qu’il voit qu’il est malheureux, qu’il est l’élu de Dieu et que c’est Dieu qui l’a voulu pour voir si le jeune était capable de résister.

Dès le début, poursuit Daniel Marcelli, le recruteur va imposer au jeune des frustrations, comme par exemple de ne plus regarder de sites pornographiques. « La frustration est importante. Ce n’est pas par hasard si toutes les religions ont des commandements de frustration. La frustration restaure votre estime de vous-même si vous arrivez à la dépasser et cela attise votre rage car vous vous frustrez de ce que vous désirez. » Le recruteur peut alors diriger la rage vers ce qu’il nomme les « kouffar », les mécréants.

La radicalisation est aussi une guérison

Dans ce processus de radicalisation, il y a un véritable processus de guérison individuelle, relève Daniel Marcelli. D’où la difficulté de détricoter ce processus. (…)

De nombreux mineurs d’âge sont en Syrie

La radicalisation de très jeunes gens est d’autant plus inquiétante que l’Etat islamique ne pousse plus les Européens à rejoindre le théâtre de guerre syrien mais à agir dans leurs propres pays, selon leurs propres moyens. Au cours des derniers mois, une dizaine de dossiers ont été ouverts. Ils concernent des garçons et des filles.

On se souvient du fils de l’imam radical de Dison, Shayh Alami. Le jeune avait été filmé par un ami dans les rues de Verviers en train d’entonner des chants appelant à tuer des chrétiens. Il y a eu aussi cette adolescente de Rebecq, âgée de 17 ans, interceptée chez sa mère. Sur les réseaux sociaux, elle se demandait ce qu’il pouvait y avoir de plus beau que de mourir pour un idéal. (…)

Nouvelles technologies

Plusieurs enquêtes récentes en Belgique (Liège, Charleroi et Nivelles) et en France ont conduit à l’arrestation et parfois au placement de mineurs, filles et garçons, qui discutaient sur des réseaux sociaux de la possibilité de commettre des attentats dans des lieux proches de leur domicile.

Même si leurs capacités techniques apparaissent généralement limitées, une attaque basée sur un modus operandi simple est tout à fait à leur portée. (…)