L’Eglise catholique ébranlée : quelques articles en 2020
02, Jan 2021 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Actualités chrétiennes,Foi chrétienne,Spiritualité
No Comments
En ce début d’année, jetons un coup d’œil synthétique sur quelques articles théologiques de l’année 2020 qui ont été fort centrés sur la question des racines du cléricalisme. Vous trouverez aisément ces articles mêmes en cliquant sur « Actualités chrétiennes » au haut des thèmes dans la colonne de droite de https://reli-infos.be . (Ils sont classés là en ordre décroissant de dates, ce qui n’est pas le cas ici dans ces extraits).
- « L’église ébranlée » : A l’heure où des milliers de personnes signaient une pétition de soutien à la candidature symbolique de la théologienne Anne Soupa pour l’archevêché de Lyon, la question du monopole masculin du presbytérat et de la gouvernance de l’Eglise catholique reste tout à fait d’actualité et son enjeu n’est rien moins que sa crédibilité en ce XXIème siècle, alors que dans tous les domaines les femmes assument les plus grandes responsabilités. Dans un article courageux de 12 pages, intitulé « L’Eglise ébranlée : comprendre et agir », le théologien Ignace Berten (O.P.) estime que le « caractère sacré » attribué aux prêtres a une grande responsabilité dans la crise de la pédophilie en permettant à certains d’entre eux d’abuser de leur pouvoir énorme sur les consciences.
- Pour le P. Paul Tihon (S.J.), théologien belge qui a longtemps enseigné l’ecclésiologie, « Plusieurs habitudes mentales nous bloquent, spécialement nous, catholiques romains. Depuis des siècles, l’image du prêtre est un individu de sexe masculin, ayant accepté de rester toute sa vie célibataire et soumis à l’autorité d’un évêque, lui-même célibataire. Aujourd’hui, pour les jeunes générations, ce modèle a perdu pratiquement toute crédibilité ». (…) une évidence : la distinction entre « clergé » et « laïcs » est une distinction cléricale. Elle met d’un côté, une infime minorité de « ministres ordonnés », évêques, prêtres, diacres, et de l’autre l’immense majorité des baptisé(e)s. La chose est si bien entrée dans les mœurs que pas mal de fidèles de Jésus l’ont intériorisée, ils se situent eux-mêmes comme « des simples laïcs ». Ils sont la foule, les « curés » sont sur une marche plus haut ».
- Dans un livre qui a fait beaucoup parler de lui, Loïc de Kerimel (malheureusement décédé peu après) écrit : « Le cléricalisme est le fait non pas d’une forme de déviance, comme le laisse entendre le pape, mais d’un système clérical en tant que tel. Celui-ci, nous le verrons, est caractérisé par l’institution d’un épiscopat monarchique, par la séparation concomitante des clercs d’avec les laïcs, moyennant l’attribution d’un caractère sacré aux premiers, les seconds étant cantonnés au profane, par l’exclusion des femmes en tant qu’inaptes au sacré, incompatibles avec sa sphère d’influence – et même dangereuse pour celle-ci –, et par l’interprétation sacrificielle de l’eucharistie. Les historiens l’ont établi, le système en question s’installe entre 180 et 260, avant même la conversion de l’Empire romain… C’est la séparation sacré-profane, pur-impur, caractéristique de la religion du Temple de Jérusalem, et du fait de laquelle le peuple des fidèles est tenu à l’écart de l’espace sacré auquel seuls peuvent accéder grands prêtres, prêtres et lévites ».
« En confirmant, contre Luther, le caractère sacrificiel de la messe, la doctrine de la transsubstantiation eucharistique du pain et du vin en corps et sang du Christ et la nécessité qu’elle soit célébrée par un prêtre, etc., le Concile de Trente consolide le système hiérarchique clérical et la séparation des clercs et des laïcs : impossible aux simples fidèles d’entrer en contact avec le divin sans passer par la médiation des prêtres-sacrificateurs » (« En finir avec le cléricalisme », p.58-59).
- Selon l’exégète protestant, Daniel Marguerat, le manque de prêtres en Europe pourrait être une chance pour l’Eglise : « l’Église catholique souffre d’une erreur historique : avoir lié la vocation du sacerdoce au célibat obligatoire. Or, la tradition chrétienne la plus ancienne est d’accueillir des ministres mariés ou non, selon leur propre choix (ce que pratiquent les orthodoxes et les protestants). Il faut revenir à cette distinction entre célibat et prêtrise, car de cette confusion est née une fragilité structurelle de l’Église catholique… Bien entendu, la pédophilie ou la sexualité déviante ne sont pas l’exclusivité du célibat, mais la multiplication de ces scandales précisément dans le catholicisme n’est pas un hasard…
- « L’institution doit tout faire pour former, équiper, encourager, valoriser les laïcs qui sont, eux, le peuple de Dieu. Je suis convaincu que le peuple de Dieu peut retrouver sa confiance en ses ministres, si ceux-ci redeviennent vraiment pour eux des serviteurs, des aidants, des accompagnants. C’est un renversement de regard qu’il s’agit d’opérer. Cette stratégie est d’autant plus délicate qu’on assiste aujourd’hui à une demande que je n’hésite pas à qualifier de régressive : la nostalgie d’un clergé conservateur et autoritaire ».
- « L’actuelle pénurie sacerdotale pourrait être une immense chance pour l’Église. L’engagement de laïcs, hommes et femmes, pour animer les communautés paroissiales va conduire les femmes à prendre une place qui leur était jusqu’alors refusée. Faut-il dire que la pénurie a du bon ? Je me risque à le faire ».
- Dans un article récent, le théologien catholique suisse Jean-Blaise FELLAY observe que « l’Eglise compte, dans certains secteurs, une grande proportion d’homosexuels. Le célibat des prêtres n’est donc pas un obstacle, mais au contraire une raison d’y entrer. Certains font leur coming out au séminaire, et les choses sont claires. Mais les homosexuels refoulés affichent souvent une homophobie radicale. Il y a donc une schizophrénie malsaine entre le secret qu’on veut garder et la réalité. Les ouvertures actuelles du pape François aux unions homosexuelles visent à lever les hypocrisies des prélats qui vivent l’homosexualité en fait, et la condamnent en parole.
- « Une autre conséquence de cet état de fait, c’est que ce monde-là vit dans une atmosphère très misogyne. C’est aussi une des raisons qui expliquent le refus de laisser les femmes accéder à des fonctions importantes dans l’Eglise, quand bien même il n’y a aucune raison théologique valable pour l’empêcher ».
- L’Eglise catholique a besoin d’un profond renouveau. C’était bien la conviction d’un grand théologien français, le P. Joseph MOINGT, malheureusement décédé en juillet 2020. Il se reconnaissait peu optimiste quant à l’avenir de l’Église dans nos pays occidentaux. “En province, on sent le vide. Là où il y avait 18 paroisses, il n’y en a parfois plus qu’une. On peut l’oublier en ville, car certaines églises sont encore pleines. Peut-être est-ce cependant la permanence d’une tradition bourgeoise.”. « “Faites des groupes, des communautés, prêchait-il, évitez les ruptures bruyantes qui n’aboutissent à rien, gardez même si possible des contacts avec l’institution et faites Église autrement, et puis, bon, vous verrez bien ce qui arrivera.”
-
- (mais ceci est-il possible aussi longtemps que l’ensemble des évêques et des prêtres ne changeront pas de regard théologique quant à leur mission ? Comme le dit Marguerat cité plus haut, « L’institution doit tout faire pour former, équiper, encourager, valoriser les laïcs (…) et devenir vraiment pour eux des serviteurs, des aidants, des accompagnants ».
Vous pouvez bien sûr trouver sur le blog d’autres articles en cliquant sur les thèmes Actualités chrétiennes ou Spiritualité dans la colonne de droite. Il y a notamment trois articles d’extraits de l’excellente encyclique du pape François « Fratelli tutti », et des articles sur des témoins remarquables tels que le P. Josse van der Rest au Chili ou le P.Parvez au Pakistan, ainsi que d’autres que vous pouvez trouver dans le thème « Spiritualité ».
Philippe de Briey, 2 janvier 2021, https://reli-infos.be