« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )

« Mon père était un imam très apprécié » (Hanan Benkadour)

24, Nov 2016 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Dialogue,Islam Belgique,Spiritualité     , , , ,   1 Comment

 

Lors de la rencontre islamo-chrétienne du 19-11-2016 à Louvain-la-Neuve, un moment marquant a été le témoignage d’une musulmane qui en a bouleversé plus d’un !

Ma Foi.

Une question difficile car, pour moi , la foi est un voyage spirituel au cours duquel je me pose plein de questions, j’ai beaucoup de doutes…

« Ô vous les Hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous vous avons répartis en peuples et en tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. En vérité, le plus noble d’entre vous au près de Dieu est celui dont la conscience de Dieu (la piété) et la plus profonde. Dieu est omniscient et le bien informé » (Coran, 49,13)

Mon père était un imam très apprécié et j’ai découvert ma religion à travers son exemple.

Il ne m’a jamais forcée ou obligée à quoi que ce soit au niveau religieux. Il trouvait que nous, ses enfants, devions être convaincues pour faire ou décider quelque chose en rapport avec la religion. Il disait toujours que le plus important, c’est ce que nous avions dans le cœur et non pas tout ce qui fait partie des apparences. Que si nous n’étions pas d’accord, il fallait respecter le choix de chacun. Il disait qu’on n’était pas obligés d’être toujours d’accord.

Quand je me suis sentie prête à partir pour l’université, mon père m’a dit : « Hannan, maintenant tu es prête. Va là où tu vas, ouvre-toi aux autres et ne t’endors pas si ton voisin meurt de faim ».

Alors je suis arrivée ici en Belgique.  Ça a été vraiment difficile pour moi d’aller vers les autres, car j’attendais et je trouvais naturel que ce soient plutôt les autres qui viennent vers moi, l’étrangère qui venait d’arriver. Mais j’avais toujours cette voix intérieure qui me disait : «  tu dois aller vers l’autre ». C’est cela qui m’a aidée à faire le premier pas, ce pas si important !

Quand je suis arrivée dans le quartier où j’habite encore aujourd’hui, c’est cela qui a fait que j’ai surmonté ma timidité et je suis allée frapper à la porte de mes voisins pour me présenter. Nous étions les premiers musulmans à nous installer dans le quartier et donc, les gens n’étaient pas habitués à ce genre de démarche : ils se demandaient « pourquoi vient-elle ? pour nous prêcher sa religion ?… ». Alors on les a invités à boire le thé, et de belles relations ont pu se construire avec nos voisins. Au début, nous entendions des réflexions du genre : « mais, vous êtes des gens normaux ! », « vous vivez comme nous, au fait ! ». Là j’ai vraiment vu les fruits d’avoir suivi cette petite voix, ce que pouvait faire la connaissance de l’autre.

Le Prophète a dit : « je n’ai été envoyé que pour parfaire la noblesse des comportements ». (al-Bukhari)

La religion, ce n’est pas seulement la prière ! Ce comportement d’aller vers l’autre, c’est aussi une part de la religion, tout comme l’attention aux besoins de ceux que je rencontre.

Je pense que la religion, c’est aussi une question intime. C’est quelque chose qui se passe entre toi et Dieu et tu en fais ce que tu décides. Personne n’a le droit de juger qui est un bon musulman ou qui ne l’est pas. Mon père me racontait souvent une histoire pour nous aider à mieux comprendre notre religion : Il y avait 2 frères avec des enfants. L’un des deux frères voulait donner sa vie à Dieu et priait tout le temps. L’autre n’allait même pas à la mosquée mais travaillait toujours pour faire vivre ses enfants et aussi faire vivre la famille et les enfants de son frère. Le Prophète a laissé entendre que c’est peut-être le deuxième qui était le plus proche de Dieu.
Je pense que la foi ne se lit pas dans les apparences, mais dans la façon dont on vit sa vie. Mon père disait que même dire bonjour ou faire un sourire, ça fait partie de la religion.

Le Prophète insistait sur la participation de chacun et chacune à la vie sociale.
Je pense que dans l’islam, qu’on soit homme ou femme, on a le droit d’avoir un esprit critique.  L’islam nous donne cette liberté de ne pas accepter tout tel quel. Avec le Prophète, il y avait toujours des questions à discuter. Il y avait une liberté de parole. Le prophète encourageait les femmes à prendre leur place dans la société, à être présentes et engagées dans la vie publique.

Je pense que la mosquée de Louvain-La-Neuve se prête heureusement à cette ouverture.

Quand je suis arrivée en Belgique …  j’ai voulu aller à la mosquée qui était à LLN. Mais j’ai découvert une « mosquée » toute petite. C’était tellement petit et discret que cela ressemblait un peu à un lieu pour se cacher, comme si c’était un lieu où on va pour faire quelque chose de mal.  La disposition, l’entrée confinée, l’espace non adapté et si petit ne pouvait pas devenir à mes yeux un lieu d’ouverture et d’accueil comme une vraie mosquée devrait être. Ce qui fait que quand j’ai eu des enfants, je n’ai pas eu envie de leur dire qu’il y avait ce petit espace-là qu’on appelait mosquée.

Mais, avec la nouvelle mosquée c’est très différent. Quand on arrive là, on est vraiment bien accueilli. Là, je me sens dans un lieu où j’ai vraiment envie de venir et j’espère qu’elle restera comme ça. C’est si important. Pour moi, la mosquée c’est un symbole d’ouverture, de beauté, de sérénité. Cette nouvelle mosquée offre tout cela, et particulièrement l’ouverture. Maintenant, j’essaye de négocier mon horaire pour avoir congé le vendredi pour pouvoir rejoindre la prière communautaire et honorer cette mosquée du mieux que je peux.

Le Groupe islamo-chrétien offre lui aussi cette ouverture. J’ai découvert ce groupe par hasard il y a 2 ans par une affiche qui annonçait l’activité autour du thème de la transmission. Je me suis dit : « waw ! Ces gens font quelque chose ! Il se passe là vraiment quelque chose d’important entre les chrétiens et les musulmans de ma ville ! » C’est alors que j’ai rejoint le groupe islamo-chrétien. Depuis lors, ce groupe m’aide dans mon cheminement. J’y suis à mon aise car on y découvre que c’est normal d’avoir des doutes. Tout le monde a des doutes et on peut même tout simplement reconnaitre qu’on les a et oser les exprimer.  Et ça aide vraiment à y voir plus clair pour y remédier. Cela me rend plus forte dans ma foi et m’aide à avancer et me renforcer sur mon propre chemin spirituel. Je sens que ma foi est véritablement ancrée en moi.

Ma foi, je la vis au quotidien, tous les jours. Elle est présente dans chaque geste que je fais. Ma foi est une conviction solide. Si je n’avais pas eu cette ultime conviction bien ancrée en moi, je crois que je n’aurais pas pu tenir et garder espoir dans la vie avec tout ce qui se passe de nos jours.

Il y a eu des moments où je me suis posé la question : « mais où est l’islam s’il permet à certaines personnes qui se revendiquent de lui de faire des actes si violents? » Cela a été un moment très difficile où j’ai été bousculée dans mes croyances. J’ai même parfois eu envie de dire : « je ne suis pas musulmane » à cause de la lourdeur des regards sur les musulmans. Et puis, je me suis dit : « Non ! Il faut accepter que chacun est responsable et il faut qu’on s’investisse tous les jours pour changer cette peur en autre chose de bien.

Oui, je me sens beaucoup plus forte depuis que j’ai ce lieu de la nouvelle mosquée, et ce groupe islamo-chrétien où je peux vivre et épanouir ma foi personnelle pleinement. Merci !

Hanan Benkadour

NDR: Hanan est mère de trois enfants et professeure de mathématique à l’Ecole Normale de LLN.

 

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