« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )
14, Avr 2016 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Islam Belgique,Uncategorized Arabie saoudite, Démocratie, islam, islamisme, salafisme, tolérance No Comments
Penser et vivre l’islam en démocratie, un enjeu de civilisation ?
Chemsi Cheref-Khan
(Extraits)
Des questions telles que ‘l’islam est-il compatible avec la démocratie’ perdent tout leur sens si on ne perd pas de vue une évidence : l’islam est pluriel.
« L’islam est pluriel, il y a autant d’islams que de musulmans ». Toutes conférences ou débats sur l’islam devraient commencer par cette citation qui est de Rachid Benzine, professeur d’université, auteur, entre autres, des Nouveaux penseurs de l’islam, co-directeur de la collection « Islam des Lumières » (chez Albin Michel). L’islam n’est jamais que ce que les musulmans en font. L’islam apaisé, mystique, spirituel des Soufis, qui répugnent à écraser une fourmi « parce que c’est une créature de Dieu », est une « déclinaison » parmi d’autres de l’islam, l’islam barbare des djihadistes violeurs en est une autre.
Il ne faut pas perdre de vue que l’islam n’a pas l’équivalent d’un Vatican. L’islam n’a pas de papes (les califes ne sont pas des papes). L’islam ne connaît pas de magistère… (…)
D’où vient cette impression d’islam monolithique, ultraconservateur, pour ne pas dire franchement obscurantiste, qui semble être la version dominante de cette religion à travers la planète ?
Au lendemain de la Deuxième guerre mondiale, le président Roosevelt et le roi Saoud d’Arabie ont signé un pacte (le Pacte de Quincy, du nom du navire américain à bord duquel l’affaire a été conclue). Selon ce pacte, pour faire bref, les États-Unis garantissaient la sécurité de la dynastie des Saouds, en échange d’énormes avantages pour eux dans le domaine de l’exploitation des gisements de pétrole. L’affaire ne s’arrête pas là. Nous sommes en plein dans la guerre froide. Les pays qui cherchent à se débarrasser de la colonisation, voire de l’impérialisme américain, se tournent vers l’Union soviétique. Aux yeux des dirigeants occidentaux, des Américains en particulier, l’islam apparait comme un « excellent rempart contre le communisme ». L’Arabie saoudite, gardienne des lieux saints de l’islam, est appelée à jouer un rôle de leadership auprès des États musulmans, voire de propager l’islam vers les pays pauvres de l’Afrique. C’est dans ce contexte que l’Arabie crée, en 1961, la Ligue islamique mondiale qui, en quelques décennies, grâce à des milliards de pétrodollars, inonde la planète entière de la doctrine « wahhabite ». C’est de cette doctrine que s’inspirent non seulement l’Arabie et certains Émirats du Golfe, mais aussi, plus près de nous, le Califat islamique du Levant pour justifier sa barbarie sans borne, au nom de lois dites « islamiques » qui remontent à plusieurs siècles d’ici. (…)
PENSER L’ISLAM DANS LA DEMOCRATIE, C’EST PROMOUVOIR LA « DEMOCRATIE MUSULMANE ».
(…) Des exemples de « penseurs libres en islam » sont multiples, tout au long de l’histoire. Il suffit d’étudier leurs parcours, leurs prises de position, leur rhétorique et argumentation. Mais il faut aussi du courage, car beaucoup de penseurs ont payé de leur vie leur liberté de pensée et de conscience. Même dans nos démocraties – ce qui est un comble – un intellectuel musulman qui s’aviserait de sortir des sentiers balisés par les théologiens de la sharia, risque très vite de faire l’objet d’une fatwa, d’une condamnation sans jugement, voire du bannissement et de l’exil.
Il est clair qu’en choisissant de traiter exclusivement avec des représentants « officiels » d’un islam sous le contrôle des Salafistes et autres Frères Musulmans, nos autorités politiques occidentales ne facilitent pas la vie des vrais musulmans réformateurs, ceux qui cherchent à « concilier leur islamité avec la citoyenneté dans une démocratie ».
(…)
On ne peut donc, certes, parler nulle part d’une démocratie musulmane, pas même en Europe. Mais on peut se réjouir de constater que beaucoup de nos concitoyens de culture ou de confession musulmane sont de parfaits démocrates. C’est grâce à eux, et eux seulement, que nous pouvons espérer voir l’émergence d’un « islam d’Europe », soustrait aux influences des théologiens de la sharia et du djihad venus d’ailleurs et soutenus de l’étranger par des gens qui ne nous veulent pas forcément du bien.
Un musulman démocrate considère que, malgré ses imperfections, la société démocratique est une chance et qu’il faut s’employer à l’améliorer davantage, plutôt que chercher à la supplanter, sous l’influence de prescrits religieux quels qu’ils soient. Du reste, un démocrate musulman affirmera que dans un État de droit, les lois civiles doivent primer les prescrits religieux, au risque, pour un musulman, d’être accusé d’apostasie par des fanatiques. La conception de l’islam chez les démocrates musulmans s’oppose résolument à l’islam dit « englobant », cher aux Salafistes et aux Frères Musulmans, allant jusqu’à affirmer que l’islam dit englobant, avec sa sharia et son djihad, n’a pas sa place dans une démocratie, voire qu’il est la négation même de la démocratie et de ses valeurs. Selon eux, l’islam d’Europe doit être « éthique et spirituel », « libéral et humaniste », « débarrassé des théologiens de la sharia et du djihad. ».
(…)
Manifester une solidarité citoyenne à l’égard des démocrates musulmans, pour les soutenir dans l’émergence d’un islam européen compatible avec nos valeurs est non seulement un acte exemplaire de « démocratie directe », mais relève surtout d’un enjeu de civilisation (…)
Extraits de « Toiles@penser », Cahiers d’éducation permanente de « La Pensée et les Hommes », dossier n° 2015 – 031 – 000.
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