« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )

Après l’attentat de Liège, quelques réflexions personnelles

04, Juin 2018 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Islam Belgique,terrorisme     , , , ,   1 Comment

 

Que dire encore après cet attentat de Liège ?  C’est difficile de se rassurer quand on apprend que 450 détenus musulmans sont radicalisés et qu’une trentaine d’entre eux pourront sortir de prison d’ici la fin de l’année…

Certains épiloguent sur le terme de « radicalisation ». Bien sûr qu’il y a des degrés dans cette radicalisation, mais à mes yeux, peuvent être vus comme potentiellement « jihadistes » ceux qui prennent le Coran et les hadiths à la lettre, sans aucune distance critique et sans remettre les versets dans le contexte général de ces textes qui était un contexte de guerre.

Trop rares, me semble-t-il, sont ceux qui dénoncent clairement et publiquement cette croyance au caractère absolu, et donc intemporel, de ces textes sacrés. Ils sont souvent marginalisés et dénoncés comme de mauvais musulmans, occidentalisés. Ou simplement on ne les prend pas au sérieux, on tourne la page et on se répète que ces attentats « n’ont rien à voir avec l’islam ».  Rien à voir avec l’islam de la majorité, d’accord, mais pas avec l’islam des terroristes ! Car eux aussi se réclament de l’islam, du Coran, etc.

Comme l’a bien dénoncé le Dr Muhammad Shahrour, musulman de nationalité syrienne qui a écrit des best-seller sur le Coran :

« Nous devons cesser de nous enfoncer la tête dans le sable, reconnaître que l’Islam dont nous avons hérité comporte des ferments de haine et de tueries, et qu’Al-Qaeda, Daesh et autres organisations islamistes extrémistes ne cesseront jamais de s’engendrer mutuellement encore durant des siècles parce que leurs sources et leurs références, ce sont les mêmes ouvrages fondamentaux que l’on enseigne dans nos écoles religieuses, dans nos instituts juridiques (…).  Pire, nous continuons aujourd’hui à enterrer vif tout appel à reconsidérer la jurisprudence musulmane (fiqh) dont nous avons hérité (…). Ô vous, les musulmans, faites le distinguo entre le message divin, avec ce qu’il comporte en fait de valeurs humaines, et ce qui n’est rien d’autre que l’histoire (sanglante) de la Péninsule arabique ! ». ([1])

Tout me semble dit dans cette dernière phrase. Mais combien d’aumôniers musulmans aident les détenus musulmans à faire ce distinguo capital entre les versets ? Ils sont rares et leur travail est difficile. Dès lors, il me semble aisé, pour les recruteurs et prédicateurs jihadistes, de citer des versets de guerre du Coran ou des hadiths (ils sont très nombreux), et puis d’ajouter : « Tu vois, on est dans la même situation, l’islam est attaqué par les pouvoirs mécréants, en Syrie, en Irak, en Palestine, en Afrique, etc., et même ici en Europe.  Alors, si tu veux être un vrai musulman, prépare-toi à prendre les armes et à « combattre dans le sentier d’Allah », tu obtiendras ainsi le paradis éternel et tu seras notre gloire ! ».

Je suis donc d’accord avec le professeur Dassetto qui, dans sa conclusion récente sur ces événements et sur ce qu’il faudrait faire, écrit :

(Il faudrait)« se demander si le cadrage actuel d’interprétation de la radicalisation terroriste, à partir duquel les procédures de contrôle sont mises à place, est suffisamment pertinent pour orienter l’action. L’interprétation globale de la réalité du radicalisme et de sa profondeur de sens  n’est pas à comprendre uniquement sous l’angle psychologique et individuel, ni dans le seul angle interindividuel, mais à situer sous l’angle plus vaste, des idéologies, visions, désirs  qui traversent le jihadisme terroriste et qui percolent aussi dans les prisons et…. plus largement au sein des populations et de la jeunesse ». (https://reli-infos.be/attentat-de-liege-f-dassetto-un-acte-aux-dimensions-multiples/)

La balle n’est donc pas seulement dans le camp de nos institutions, elle me semble aussi – et peut-être même surtout ? – dans le camp des musulmans, et en particulier de leurs imams, théologiens, professeurs de religion, animateurs de jeunes, etc.

Car, les causes de tels passages à l’acte sont multiples, mais le recours à la religion est un facteur déterminant et on a trop souvent tort de le négliger ou de ne pas oser y toucher, par respect pour la religion ou par peur d’être taxé d’islamophobe, ennemi de l’islam. Or, il s’agit précisément de pointer du doigt, non pas l’islam, mais une dérive qui porte le plus grand tort à cette religion. Il me paraît notamment dramatique que l’on distribue le Coran à tout-va aux détenus sans aucune explication sur le contexte historique des versets de guerre et sur le danger de les prendre à la lettre. Lisez quelques pages du Coran et mettez-vous dans la peau d’un détenu, vous comprendrez l’importance de l’enjeu. Il faudrait beaucoup d’aumôniers musulmans dans les prisons, et pas n’importe lesquels. Il faudrait aussi une plus grande prise de conscience de la gravité du problème dans la communauté et auprès des jeunes. Car les conséquences de ces attentats peuvent être considérables, on le voit déjà largement aujourd’hui dans la progression fulgurante des partis islamophobes.

[1]  Ce texte très vigoureux du Dr Shahrour a été publié sur Souria Houria le 1 avril 2016 ; vs pouvez le trouver sur mon site : https://reli-infos.be/islam-et-haine-dautrui-par-le-dr-muhammad-shahrur/

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