« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
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Les racines du djihad en France

25, Oct 2017 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Islamisme,terrorisme     , ,   No Comments

Un livre publié ce mercredi 25 octobre, « Le combat vous a été prescrit », retrace l’histoire du djihad en France depuis trente ans. À travers les idées et les hommes, l’ouvrage très documenté de Romain Caillet et Pierre Puchot montre que le phénomène est à la fois ancien, ancré, et qu’il ne s’éteindra pas avec la chute de Daech en Syrie.

En janvier 2015, les Français découvrent, saisis d’effroi et de « sidération », selon l’expression du sociologue Gérome Truc, le terrorisme djihadiste. Et pourtant, cela fait « près de trois décennies » que cette « idéologie », cette « culture du djihad » se développe sur notre territoire, qu’elle « bâtit ses propres références politiques, théologiques, militaires ». Telle est la thèse présentée dans le livre de l’historien et expert reconnu Romain Caillet et du journaliste Pierre Puchot, sous-titré Une histoire du djihad en France (1).

À travers des entretiens avec les djihadistes et des documents judiciaires, l’ouvrage retrace l’histoire du mouvement, du « premier djihadiste » français parti en Bosnie en 1992 jusqu’aux combattants ayant « massivement » rejoint la Syrie à l’été 2013, en passant par les terroristes du GIA dans les années 1990 et les filières vers l’Irak du milieu des années 2000.

Il décrit leur idéologie, issue du salafisme, qui prône non seulement une « pratique rigoriste » de l’islam, mais vise aussi à « établir le règne de Dieu sur la Terre au moyen d’actions de prédication et/ou d’actions violentes ». Les auteurs soutiennent la thèse que « sans cet appui théologique (…), il aurait été très difficile au courant djihadiste (…) de se développer depuis près de trente ans et dans les proportions que nous connaissons aujourd’hui ».

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La construction d’une idéologie

(…)

« Du GIA à l’État islamique, il y a une continuité dans l’idéologie, dans le discours et à travers les hommes », insiste Romain Caillet, citant cet ancien membre du GIA que les services de renseignement découvrent, tout sourire sous sa barbe blanche, posant en Syrie à côté d’Abdelhamid A., coordinateur des attentats du 13 novembre. Ignorer cette histoire du djihad, c’est risquer de ne pas comprendre ce qui s’est passé en 2015, poursuivent les auteurs. Des attentats de cette ampleur n’auraient pas pu être seulement le fait d’apprentis djihadistes, de bras cassés, de loups solitaires, d’adolescents en perte de repères ou encore de fous.

« Le problème, c’est qu’aujourd’hui, on ne veut pas parler d’idéologie politico-religieuse par peur de se faire traiter d’islamophobe, déplore Romain Caillet. On ne veut pas parler non plus des causes sociologiques du djihad de peur de se faire traiter d’islamo-gauchiste. Or ce qui s’est passé en 2015, c’est précisément la rencontre entre la volonté d’une organisation ultra-sophistiquée de frapper la France – pour sa participation à la coalition – et la haine que vouent à la France un certain nombre de jeunes Français. »

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Ces djihadistes français

Cette haine qui a grandi dans les « replis de la République », à l’abri des regards, est explorée à travers une série de portraits. Ceux-ci expliquent comment et pourquoi, au fil du temps, des poignées de Français sont allées combattre en Bosnie puis en Tchétchénie, en Afghanistan puis en Irak, avant de rejoindre la Syrie, toujours plus aguerris. Ils montrent comment beaucoup sont allés se former idéologiquement, parfois en Arabie saoudite mais plus souvent en Égypte, pour diffuser ensuite des plaidoyers politico-religieux qui font encore mouche sur les réseaux sociaux aujourd’hui.

Comprendre cette histoire éclaire aussi l’avenir : à l’image de ces « vétérans » qui ressurgissent d’un théâtre et d’une époque à l’autre, les combattants de Daech représentent une menace qui ne s’éteindra pas avec la chute du Califat, assurent les auteurs.

« Certains vivront dans la clandestinité dans le désert irakien ou rejoindront d’autres terres de djihad, au Sahel ou aux Philippines, estime Romain Caillet. Mais les plus solides survivront. » Assumant d’avoir « personnellement connu » certains d’entre eux, il note que beaucoup ne sont pas morts. Il y a quelques jours, l’un d’eux présentait encore quotidiennement le bulletin d’information de Daech.

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Flore Thomasset

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(1) Le combat vous a été prescrit, de Pierre Puchot et Romain Caillet, éditions Stock, 288 pages, 25 octobre 2017.