« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )
16, Sep 2019 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Dialogue,Foi chrétienne,Foi musulmane,Spiritualité No Comments
On pourrait se demander pourquoi, en 2019, des hommes et des femmes se réunissent dans le monde entier pour se rappeler la rencontre, advenue il y a 800 ans, entre un saint chrétien et un roi musulman, (…)
Texte par Jean Abd-al-Wadoud Gouraud | Jeudi 12 Septembre 2019 sur le site musulman Saphirnews. En voici de larges extraits.
C’est que la rencontre qui eut lieu
il y a 800 ans de cela entre le fondateur de l’Ordre des frères franciscains et
le sultan d’Egypte et de Syrie, peut inspirer la fraternité entre chrétiens et
musulmans, en Orient comme en Occident, et nous enseigner la voie d’une
harmonisation possible, et même nécessaire, entre responsabilité politique
sensible au sacré et représentation religieuse sensible à la Paix, non
seulement la paix terrestre, mais surtout celle qui vient d’en Haut.
Cette Paix véritable n’est autre que la Paix intérieure, la quiétude du cœur et
la plénitude de l’Esprit dans la Paix de Dieu, à laquelle l’on ne saurait
parvenir qu’en menant un combat contre l’âme despotique qui est en nous-mêmes.
C’est là le plus grand combat et la seule « guerre sainte », parce
qu’elle vise à réaliser la Sainteté qui consiste à « mourir avant de mourir
», à travers à une « conversion » intégrale de l’être, une pacification
du cœur, dans la remise pleine et entière à la volonté de Dieu jusqu’à
l’extinction de l’individualité en Lui.
(…) Si, aujourd’hui, nous sommes réunis, c’est donc grâce à Dieu et à la
rencontre qu’Il a suscitée il y a huit siècles entre saint François et le
sultan, rencontre qui dépasse notre entendement et les individus, mais dont
nous vivons les influences et les bénédictions qui agissent à travers les
siècles et les pays.
La concomitance de la Déclaration sur la Fraternité humaine
pour la paix mondiale et la coexistence commune (à lire ici) signée
conjointement par le pape François et le grand imam d’al-Azhar Ahmed al-Tayyeb,
à Abu Dhabi en 2019, et de la célébration de l’anniversaire de la rencontre de
1219 à Damiette est un signe fort, qui marque la vie de ce monde en crise, et
qui nous incite à prendre part à l’effort de revivification spirituelle en nous
appuyant sur l’héritage de nos traditions et de nos prophètes. En effet, c’est
ensemble et fraternellement, que chrétiens et musulmans, nous devons nous
appeler mutuellement à un renouveau moral et spirituel, et préserver et
soutenir un comportement de piété et de vertu qui puissent remédier à
l’ignorance, à la décadence des valeurs, et au déchaînement des violences et
des abus annonçant le désordre et l’injustice entre les civils.
L’accueil, la courtoisie, l’hospitalité, le respect, les échanges, l’offre de
cadeaux et le salut de paix entre le sultan et le saint constituent déjà en
eux-mêmes les signes évidents d’une reconnaissance mutuelle de la foi, de la
sainteté et de la responsabilité humaine qui sont universelles. Ce que chacun
découvre dans l’autre, c’est la valeur d’une méthode spécifique pour être
cohérent avec sa propre foi, orientée vers le service et l’adoration de Dieu, et,
en cela, le musulman et le chrétien se découvrent frères et jamais ennemis.
C’est ainsi qu’il sera possible de passer de la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune à la fraternité spirituelle « pour la connaissance et la coopération », pour reprendre le titre du commentaire à la Déclaration d’Abu Dhabi (à lire ici), signé par une vingtaine de personnalités, représentants et leaders musulmans du monde entier.
« Au cours des années récentes, peut-on lire en introduction du Commentaire, nous avons fait face et réagi à de nombreux épisodes de manipulation violente de la religion qui a été abusée comme instrument de haine et de pouvoir, au lieu d’être utilisée comme une voie de justice, d’amour et de connaissance. Avec cette intention, nous désirons non seulement adhérer au rappel de la Déclaration d’Abu Dhabi mais aussi promouvoir un commentaire et une coordination internationale d’échange et de collaboration entre chrétiens et musulmans. (…)
L’impression générale est qu’une nouvelle phase est en train de s’ouvrir, sous différents aspects, dans les relations entre nos deux religions. Cette phase semble s’orienter vers la reconnaissance de la légitimité et de la diversité providentielles des Révélations, des théologies, des religions, des langages et des communautés religieuses. Les diversités ne sont plus envisagées comme un appel à la conquête ou au prosélytisme, ou un prétexte pour une simple tolérance de façade, mais bien plutôt comme une opportunité pour exercer et mettre en pratique la fraternité qui est « une vocation contenue dans le plan de Dieu pour la création », tel que l’affirme le Document lui-même. »*
Pour nous, musulmans, le dialogue de saint François et du sultan Al-Kamil en 1219 renouvelle l’esprit et les nobles finalités des relations qui furent instaurées avec la visite de la délégation des chrétiens de Najran auprès du Prophète Muhammad (que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur lui), et qui permirent de sceller une alliance fraternelle entre chrétiens et musulmans afin de « s’élever à une Parole commune entre nous et vous » (Coran III, 64), expression d’un dialogue « au sommet » qui trouve son unité dans le « Monologue divin » qui s’articule à travers la diversité des langages rituels et dogmatiques des religions. C’est ainsi qu’il sera possible d’œuvrer ensemble, au nom du Dieu unique, dans la paix et le respect réciproque, en pratiquant, chacun selon ses lois sacrées, « l’adoration de Dieu et non celle des créatures ».
Vivre et coopérer autour de valeurs partagées entre tous les citoyens, qui forment une même communauté civile, à la fois unie dans sa diversité, et diverse dans son unité : tel est le souffle universel de Médine, la ville illuminée par la lumière prophétique, qu’il nous faut retrouver et faire vivre en acte, en déclinant la noblesse des racines spirituelles de l’humanité à travers une saine émulation au service du Bien suprême, ce Bien qui nous est commun, non parce qu’Il nous appartient mais parce que nous Lui appartenons tous.
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Jean Abd-al-Wadoud Gouraud, traducteur et spécialiste d’Al-Ghazali, est enseignant à l’Institut des hautes études islamiques (IHEI). Cette contribution fait suite à une conférence organisée le 7 septembre à Rennes, autour du 800e anniversaire de la rencontre entre François d’Assise et le sultan al-Kamil.
Source et texte complet sur https://www.saphirnews.com/800-ans-apres-la-rencontre-entre-Francois-d-Assise-et-le-sultan-al-Kamil-quels-enseignements-pour-aujourd-hui_a26606.html
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