« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )
23, Jan 2018 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Migrants Réfugiés, rencontre, vivre ensemble No Comments
Fondateur du Samu social en France, puis du Samu social international, l’auteur sait mieux que quiconque les souffrances des migrants et il plaide fortement pour « ouvrir nos portes, ouvrir nos cœurs » à toute cette misère. Mais il plaide aussi pour une politique réaliste, dans laquelle il faut allier la morale de conviction à celle de responsabilité. Il faut les deux, sous peine de capoter.
Cependant, et ceci me semble l’originalité et le courage de sa position, il s’oppose à ceux qui, d’une manière simpliste et irréaliste, demandent tout simplement d’ouvrir toutes grandes nos frontières à tout le monde. Les états sont bien obligés, dit-il en substance, d’effectuer un tri, car il n’est pas possible, politiquement et économiquement, d’accueillir tout le monde. Il plaide pour la priorité à tous les plus vulnérables, malades, handicapés, persécutés, menacés dans leur pays.
Il faut voir, pour les autres, lesquels ont des chances de trouver du travail dans le pays, car le travail demeure la principale possibilité de s’intégrer vraiment. Si nous voulons vraiment ACCUEILLIR, il faut faire tout ce qui est nécessaire pour que le migrant ou le réfugié puisse s’intégrer et apporter une plus-value au pays, sans quoi il ne pourra pas s’épanouir, ni non plus être accepté. (ce qui provoquerait la mise au pouvoir de l’extrême droite suivie de la fermeture des frontières à tous ceux qui en ont absolument besoin, par exemple la Hongrie).
Actuellement, dénonce-t-il, les Etats, soit se ferment complètement, soit s’illustrent par la passivité. Politique chèvre-choutante qui veut ménager l’opinion publique : des gestes d’accueil, et des gestes de rejet, mais pas une vraie politique cohérente. Celle-ci exigerait d’une part plus de moyens (la langue, le travail, le logement…) pour ceux dont la demande d’asile est acceptée, et d’autre part le courage de retourner les autres dans leur pays si leur vie n’y est pas menacée, mais en les accompagnant pour les aider à trouver un travail et ainsi participer au développement de leur pays. Pour Emmanuelli, laisser trainer chez nous un grand nombre de clandestins n’est pas une solution, ni pour eux, ni pour les autres. Cela crée en outre beaucoup de travail au noir ou d’autres problèmes qui expliquent la montée des extrêmes droites (comme en Allemagne).
Il est conscient que cette position peut heurter notre conscience : « Il s’agit de vérités parfois difficiles à entendre aussi bien pour les adeptes de la fermeture des frontières que pour les partisans de l’accueil de l’ensemble des migrants sans aucun contrôle. Mais il s’agit avant tout de traiter avec réalisme et sans idéologie préconçue une question cruciale pour notre avenir ». car, « le phénomène auquel nous assistons n’est que le début d’un mouvement qui va s’étendre sur plusieurs générations ». (p.92).
Bref, un livre qui donne vraiment à réfléchir et nous permet de sortir du dilemme entre accueillir tout le monde et fermer la porte le plus possible. Une 3ème voie serait possible, mais demande du courage.
PDB
« ACCUEILLONS les migrants, ouvrons nos portes, ouvrons nos cœurs », aux éditions de l’Archipel, 158 p, 13,50 €
Voici quelques brèves à partir de ce livre, ce qui vous permettra de voir plus clairement quelle est sa position dans cette question si délicate :
« il faut faire preuve de pragmatisme : (…) nous devons renvoyer dans leur pays les déplacés qui n’ont pas obtenu le statut de réfugiés. Aussi difficile que cela soit à accepter, si nous voulons modifier en profondeur notre système d’accueil pour pouvoir ouvrir nos portes à un plus grand nombre de réfugiés dans les années à venir, nous n’avons pas d’autre choix. (…) Bien qu’un tel mot soit difficile à prononcer dès qu’il s’agit d’êtres humains, il est impératif de réaliser un « tri » des migrants (…) pour des raisons humanitaires, nous devons nous occuper de ceux qui se trouvent le plus mal en point (…) Nous devons aussi recevoir ceux qui peuvent être utiles à notre pays : les jeunes et les familles (…) Je mesure la difficulté d’entendre une telle proposition pour ceux qui rêvent d’un monde où l’on accueillerait toute la misère de la planète. Mais ce monde n’existe pas et n’existera jamais. Nous ne sommes pas là pour rêver, mais pour construire, ce qui apparait déjà comme un défi gigantesque. Nous avons les moyens de sauver les cas les plus périlleux et d’intégrer ceux dont nous avons besoin pour l’avenir du pays, mais pas d’ouvrir nos portes à l’ensemble de ceux qui souhaitent entrer ».
il nous faudra accueillir en fonction de nos moyens. Cela signifie que nous pourrions accueillir bien plus que nous ne le faisons aujourd’hui – et surtout bien mieux -, mais que le tri est imposé par le principe de réalité, (…) dans une logique qui n’est pas celle des idéalistes – pour qui refuser le droit d’entrée à une partie dans migrants est un acte xénophobe, voire raciste. (…) Si nous n’agissons pas ainsi, nous maintiendrons en place un cercle vicieux qui ne profite qu’aux mafias et aux partis politiques populistes ».
121-123. De même, « pour les déboutés, les retours à la frontière ne sont pas organisés, ou seulement ponctuellement. (…) Il existe une grande hypocrisie dans cette forme de laxisme (…) Cela crée une forte inquiétude dans l’opinion publique, récupérée par une partie de la droite et de l’extrême droite ».
Au lieu d’entasser les réfugiés dans de grands centres, réhabiliter de vieux hôtels, avec un personnel d’encadrement qui leur permet une certaine autonomie, par exemple qu’ils puissent faire leurs courses eux-mêmes grâce à des aides financières, ce qui leur permet des contacts avec les commerçants et leur redonne une certaine dignité. Pour leur intégration, il faut des cours de français, du soutien pour l’emploi (« y a-t-il un meilleur moyen pour s’insérer dans la communauté nationale ? ») (en Grande Bretagne, le marché du travail est bien plus ouvert que chez nous, dit-il, ce qui explique aussi la ruée vers ce pays).
132 . De même, un site internet a été créé répertoriant un millier de collectifs qui peuvent ainsi se contacter pour trouver les compétences ou les initiatives que l’on recherche.
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