« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )
26, Fév 2018 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Actualités chrétiennes christianisme, spiritualité No Comments
Une « Journée sous le signe de la transition » a été organisée à Berne (Suisse) le 22 février, à l’occasion du carême. Le Belge Olivier de Schutter, professeur de droit international à l’UCL, faisait partie des intervenants, qui ont salué l’implication des Eglises dans ce mouvement pour un changement durable des mentalités et de notre mode de vie et de relations.
23 février 2018 par Christophe Herinckx (c’est nous qui soulignons)
Comment surmonter les crises et les injustices en amorçant un changement durable? Pour esquisser des réponses à cette question,
Dans le cadre de cette rencontre oecuménique de carême, intitulée « Journée sous le signe de la transition », le portail catholique suisse cath.ch a interrogé le professeur de droit international Olivier de Schutter, qui enseigne à l’Université catholique de Louvain, et la religieuse de l’Assomption Cécile Renouard, qui enseigne l’éthique sociale et la philosophie morale et politique au Centre Sèvres, à Paris. Interview croisée.
Comment définissez-vous la transition?
Olivier de Schutter: Il est question d’une transition vers la durabilité. Il s’agit d’arriver vers des sociétés plus pauvres en émissions de carbone, mais plus riches en liens sociaux, plus inclusives, plus conviviales et plus résilientes. L’un des principaux enseignements de cette Journée, à Berne, est que la transition écologique ne peut se produire sans cette transition sociale, notamment la réduction des inégalités.
Le mouvement de la transition part du constat que les gens ne veulent plus attendre des solutions qui viennent de l’extérieur. Que ce soit de l’Etat, des promesses de technologies propres, des entreprises. Ils ont pris conscience qu’ils peuvent exercer un pouvoir sur leur propre vie. Et au lieu d’attendre que le changement vienne d’ailleurs, ils le provoquent, par des initiatives locales, parfois à une très petite échelle, de la ville, du quartier, de la rue. La transition, c’est la prise de conscience que nous sommes tous responsables de la trajectoire de nos sociétés. Qu’il faut réexaminer nos modes de vie et de responsabilité dans le système.
Quels sont les principaux obstacles au développement de cette transition?
Cécile Renouard: Il y a d’abord des blocages culturels. La conscience des problèmes est certes plus aiguë, mais les réticences au changement de nos modes de vie sont encore énormes. Je ne suis pas sûre que les incitations économiques soient suffisantes s’il n’y a pas une véritable volonté individuelle et collective de prendre une autre voie. Il faut ainsi mettre en avant les côtés positifs de la transition et pas seulement les contraintes qu’elle engendre.
Du côté des entreprises et des Etats, c’est toujours la logique de la maximisation du profit qui prévaut. L’enjeu est de penser la croissance et le profit comme des moyens au service d’une qualité de vie durable. Ce qui implique une vision particulière de la croissance, et aussi une décroissance dans certains domaines. Pour les entreprises, il s’agirait d’intégrer, même en amont du démarrage d’activités, les enjeux sociaux et environnementaux. Les règles du jeu, au niveau national et international, ne facilitent pas pour l’instant ce type de réglementation. Et c’est donc difficile pour des firmes qui sont en compétition les unes contre les autres de faire des choix radicaux dans ce domaine.
Quelle est la priorité pour aider au développement de cette transition?
Olivier de Schutter: Nous sommes aujourd’hui à un tournant. Ce mouvement a longtemps reposé sur des initiatives citoyennes, sans que les pouvoirs publics s’en mêlent. Et les gens avaient l’impression qu’ils pouvaient changer les choses à partir de leur micro-environnement. Je pense qu’on est arrivé à la limite de ce fonctionnement. Et l’on se rend compte que si les gouvernements ne viennent pas soutenir le mouvement, il risque de s’épuiser. Dix ans après son lancement, il s’agit de poser la question des responsabilités politiques. Comment fonder un nouveau pacte social entre ces citoyens qui se mettent en marche et les autorités, notamment locales. Beaucoup de choses seraient à faire, en particulier en matière d’aménagement du territoire, des temps de vie. Les autorités pourraient par exemple accorder des ‘congés civiques’ pour que les personnes intéressées s’investissent dans des projets de transition.
Il s’agit de faire en sorte que toutes ces questions deviennent un enjeu politique.
Mais on a l’impression que les industriels et les Etats ont pris conscience de cette nécessité de transition. Est-ce une réalité?
Cécile Renouard: C’est en grande partie surfait. Il y a un décalage considérable entre les ambitions affichées et les trajectoires des pays et des industries. On le voit par exemple dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat. Les objectifs sont encore loin d’être atteints.
(…)
Comment voyez-vous le fait que les Eglises s’impliquent désormais dans ces démarches de changement de la société?
Olivier de Schutter: C’est crucial. Je suis persuadé que la sortie de l’encyclique Laudato Si’ du pape François a été un moment très important. Il a été le premier dirigeant avec cette autorité à dire que la transition écologique passait par un examen de notre représentation mentale du bonheur, du progrès, de la prospérité, au-delà des possibilités d’expansion matérielle. En d’autres mots, il a mis en avant que la transition sociale n’était pas réalisable sans une transition intérieure, sans une dimension spirituelle. Les Eglises, ainsi que les autres leaders d’opinion, ont cette responsabilité d’éveiller les consciences. C’est pourquoi elles ont un rôle tout à fait décisif à jouer dans cette transition.
Cécile Renouard: L’engagement des Eglises est formidable. Je pense que les dénominations chrétiennes ont pleinement saisi le sens de l’obligation biblique de sauvegarder la création. En France, en particulier, des initiatives très concrètes se mettent en place. Par exemple avec le label Eglises vertes, qui incite les paroisses à promouvoir des modes de fonctionnement respectueux de l’environnement. Cela permet aussi de voir que le domaine religieux n’est pas absent de ce combat, il en est même à la source. Car les blocages sont certainement d’abord éthiques et spirituels.
D’après cath.ch/RZ sur Cathobel. http://www.cathobel.be/2018/02/23/olivier-de-schutter-eglises-ont-role-decisif-a-jouer-transition/
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