« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )
06, Mar 2019 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Actualités chrétiennes Eglise catholique No Comments
Hier soir sur ARTE, paraissait une émission que l’on pourra voir ce mercredi soir dans « Questions à la Une » (RTBF) : « Des religieuses abusées sexuellement par des prêtres, l’autre scandale de l’Eglise ». Je n’ai pas pu voir cette émission, mais les faits qui y sont dénoncés semblent terribles. C’est à peine croyable, et pourtant… j’avais déjà lu un article dénonçant de tels faits nombreux en Afrique dans les années nonante. Mais un prêtre qui avait été en Afrique nous a affirmé à l’époque que c’était faux et qu’il ne fallait pas publier cela dans notre revue « Espérances des peuples, espérances des pauvres ». Sans doute ce religieux suivait-il simplement ce qu’on lui affirmait ou recommandait dans sa congrégation. Comme pour les cas de pédophilie, ces faits devaient rester sous silence, pour ne pas porter ombrage à l’Eglise (catholique). Celle-ci paie aujourd’hui chèrement cette « politique » d’éviter à tout prix de scandaliser.
Vous trouverez ci-dessous trois articles du site « Dieu autrement ». Le premier, de Marité Lalande, est le plus dur. Mais si Jésus revenait, ne le serait-il pas ? A propos des scribes et des pharisiens il disait : « Ils lient de pesants fardeaux sur les épaules des gens, alors qu’eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt… Ils aiment à s’entendre appeler « Maître » par les gens… qui purifiez l’extérieur de la coupe alors que l’intérieur est rempli de rapine et d’intempérance… Hypocrites, vous offrez aux gens l’apparence de justes, alors qu’au-dedans vous êtes remplis d’hypocrisie et d’injustice » (Mt ch. 23).
Je ne veux pas du tout dire par là que l’immense majorité des prêtres catholiques correspond à un tel tableau, mais je constate que Jésus a été extrêmement dur à l’égard de l’institution religieuse de son temps, tout en continuant à se rendre au Temple ou dans les synagogues. Ce qu’il dénonçait avec force, c’est l’hypocrisie. Et c’est cela que dénoncent les trois textes qui suivent, parus dans « Dieu maintenant ». Je pense que Jésus dénoncerait avec force certains discours très rigoristes de la Curie romaine en matière de morale sexuelle, discours qui sont repris comme vérité divine dans toute l’Eglise. Un discours plus nuancé, plus humain, comme celui de Mgr Jacques Gaillot par exemple, n’était pas admis et était sanctionné sévèrement.
Le P. Charles Delhez a écrit un article courageux dans La Libre il y a peu. Il m’a semblé que cet article n’a pas reçu toute l’audience souhaitable dans les organes catholiques, alors qu’il me paraît tout à fait nuancé et rempli de foi et d’amour de l’Eglise. Mais il est vrai qu’il appelle à une réforme profonde par rapport au ministère sacerdotal, en élargissant ces « ministères » (= ces services), y compris eucharistique, à des personnes mariées. (je vous recommande de relire cet article, cfr https://reli-infos.be/saint-pere-il-y-a-urgence-a-ordonner-pretres-des-gens-maries/ ).
Le changement ne pourra avoir lieu que s’il y a une forte pression venant de la base, car on peut supposer que nombreux sont les évêques et les prêtres qui trouvent dans l’obligation du célibat une protection contre leurs besoins sexuels. Ils y trouvent en outre une compensation en termes de pouvoir et de considération, de prestige spirituel. On se sent vu comme au-dessus du commun des mortels, donc admirés. Partager avec d’autres le privilège de la « transsubstantiation » du pain et du vin, et des autres sacrements, quelle perte de prestige et de pouvoir ! Il n’est pas loin, le temps où, après l’ordination, le nouveau prêtre se faisait baiser les mains par les fidèles et les confrères. Les mains devenues sacrées… « pour l’éternité » ! « Ne vous faites pas appeler ‘Père’, car vous n’avez qu’un seul Père, Celui du Ciel, et tous vous êtes des frères » (Mt, 23, 9), càd des égaux en dignité, appelés à s’abaisser et non à s’élever au-dessus des autres (v. 11). N’est-ce pas là, le fond de la réforme à opérer : renvoyer au musée tous ces signes de sacralisation, les crosses, mitres, chasubles magnifiques et autres signes honorifiques ? … On voit pourtant dans les évangiles que Jésus avait horreur de ces phylactères et autres manières de se mettre en avant.
Je pense que l’émission de ce soir concerne surtout le continent africain. On sait que le célibat volontaire est très loin de la culture africaine (et sans doute aussi latino-américaine ou asiatique), ce qui le rend d’autant plus difficile à respecter pour les prêtres de ces continents. Et pourtant, c’est sans doute en Afrique que les évêques seront les plus réticents à une telle réforme. On peut imaginer que pour un certain nombre d’entre ces ecclésiastiques, la vocation à la prêtrise était mélangée de désirs inconscients d’exercer une fonction prestigieuse. Et encore plus pour ceux d’entre eux qui se sentaient plutôt homosexuels, mais n’osaient évidemment pas l’avouer ou se l’avouer, vu le mépris social existant à cet égard dans leur société.
Une question me revient souvent à l’esprit : comment se fait-il qu’on ne parle pas de scandales à si grande échelle dans les églises protestantes ou orthodoxes ? Cela n’a-t-il vraiment aucun rapport avec le fait que dans l’Eglise catholique seule, le célibat est obligatoire pour toute personne qui se sent appelée à exercer la fonction sacerdotale ? (et pourtant, certaines communautés rattachées à l’Eglise catholique, maronite par exemple, ont des prêtres mariés).
Dans quelle direction aller, vers quel premier pas ? L’article de Charles Delhez propose clairement l’élargissement de la fonction à des personnes mariées. Et Mgr Delville, évêque de Liège, de son côté, a parlé dans une émission récente de donner des « dispenses du célibat », ce qui équivaut à entrouvrir la porte vers la « réforme profonde » qu’il disait nécessaire. Notre petite Belgique pourrait peut-être témoigner, comme du temps du Concile, d’une ouverture particulière aux changements qu’impose « l’aujourd’hui de Dieu ».
En espérant ne pas avoir été trop long dans cette introduction…
Philippe de Briey
Post-scriptum : On vient de m’envoyer une autre lettre du P. Charles Delhez: la voici:
« Un système qui s’effondre.
L’Eglise ne va pas bien, l’Église catholique. Les affaires de pédophilie, d’abus sexuels, de double vie, de destruction de dossiers compromettants qui éclatent dans la presse en sont le révélateur. Une culture de l’abus et du silence s’est mise en place, un système s’est érigé à l’opposé du message originel. Jusqu’au sommet de l’Église, éclate en plein jour des incohérences qui semblent parfois totales. La crise est d’envergure. Il reste sans doute de fidèles serviteurs, mais les scandales sont décidément trop scandaleux.
En matière de pédophilie, la loi de l’omerta a régné et règne sans doute encore. On a trop souvent fait passer l’institution avant les victimes elles-mêmes. Mais ce n’est pas de ces drames que je veux parler ici, mais du système lui-même. L’Église, qui a l’habitude d’inviter le monde entier à la conversion, devrait comprendre que c’est d’une transformation radicale qu’elle a elle-même besoin. Le pape a pris amplement la mesure de cette crise majeure et a rassemblé, à Rome, les hauts dignitaires de l’Eglise. Ce sommet laisse encore les victimes sur leur faim et l’on attend les mesures de définitives, ainsi que la vérification par les actes. Mais c’est quand même un pas important.
Cela dit, c’est tout le système qu’il faut revoir. L’Église, dans son organisation, est devenue un corps de spécialistes qui font carrière. Elle s’est structurée à la verticale, de manière pyramidale et hiérarchique, nous imposant des pères et des maîtres. Le pape François, dans des mots parfois très durs, stigmatise ce cléricalisme. C’est précisément ce que Jésus a combattu. Il voulait faire de nous tous des frères. “Scribes et pharisiens hypocrites”, clamait-il.
C’est à tout le système que j’en veux, un système qui atteint sa limite extrême et qui étouffe le meilleur de ces personnes qui se sont engagées à son service. Un système qui, dans le cadre de la pédophilie, est devenu criminel. Tout doit donc changer. Et c’est une question tellement plus vaste que l’ordination des hommes mariés : n’a-t-on pas donné trop de pouvoir aux prêtres ? Et ils se sont laissés faire ! Le pouvoir a en effet ses charmes.
Se transformer radicalement ou mourir. Tel est le choix. On a mis trop de poids sur les rites, les dogmes, la hiérarchie, oubliant que le christianisme est un style de vie, celui de Jésus, et un art de vivre en société dans la fraternité et l’entraide. Le Christ n’est pas venu fonder une institution de plus. Il a voulu toucher le cœur de l’homme.
La situation actuelle m’attriste profondément, car c’est mon Église et le Christ lui-même y est en souffrance. Ne généralisons cependant pas. Même si le système est obsolète, il y a toujours des anonymes qui vivent de l’Évangile et qui empêchent le monde lui-même de sombrer. Et il y a aussi des signes d’espoir: le courage du pape François et tout simplement le fait que ces affaires apparaissent enfin au grand jour. Heureusement, dirait le cardinal De Kesel, que tout cela est arrivé à la connaissance du public…
Je ne voudrais pas pour autant me désolidariser du corps quand il est blessé. Au contraire. L’Église n’a jamais eu autant besoin de nous. Rappelons qu’elle n’est pas une institution, mais une koinonia, c’est-à-dire un réseau de petites communautés qui, à la base, essayent de vivre de l’Évangile. Un minimum de structure est nécessaire pour maintenir la communion, sans doute, mais il faut qu’elle reste la plus légère possible et ne détourne pas le regard de l’essentiel.
J’y reste donc alors que certains font le choix de l’apostasie. On ne s’engage d’ailleurs jamais que pour des causes imparfaites, celles qui sont parfaites n’ont pas besoin de nous ! J’y reste parce que j’y ai reçu le meilleur, l’Évangile, et que je continue à y vivre le meilleur de moi-même. N’est-elle pas, pour moi, non pas d’abord une institution, mais des liens, une multitude de visages, de personnes qui comme moi veulent mettre leurs pas dans les pas de Jésus, chacun faisant de son mieux ? Charles Delhez sj
A signaler aussi: La newsletter de Cathobel, organe catholique en Belgique francophone présente déjà un article sur la question : https://www.cathobel.be/2019/03/05/colere-tristesse-et-indignation-face-aux-abus-sexuels-sur-des-religieuses/
Et finalement ces articles de « Dieu maintenant »:
Chers amis,
Les médias dévoilent presque chaque jour des comportements très graves dont sont responsables des prêtres et des responsables dans l’Église. Hier soir, sur Arte, un reportage sur des religieuses abusées dépassait tout ce qu’on pouvait concevoir. On ne peut ni rester indifférent ni se taire. Comment réagir ? Trois membres de l’équipe animatrice de « Dieu Maintenant » se situent. Chacun d’eux, de façon différente, dit sa souffrance.
« Scandale dans l’Église », Marité Delalande, Michel Poirier, Michel Jondot : http://www.dieumaintenant.com/scandaledansleglise.html
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