« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )
15, Nov 2022 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Environnement,Santé No Comments
Pour apporter leur pierre à un monde meilleur, certains se lancent dans de belles aventures.
Après l’expérience « Albi ville comestible », un groupe de citoyens engagé pour la « résilience alimentaire » de son territoire, fait le pari d’installer une dizaine de maraîchers pour approvisionner les Albigeois en légumes bio.
par Axel Puig
Publié le 14/11/2022 à 07h15, mis à jour le 14/11/2022 à 13h53 • Lecture 4 min.
(…) En 2020, au creux de ce méandre situé sur la commune de Lescure-d’Albigeois, des citoyens réunis au sein d’une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) ont acquis 15 ha de terres agricoles pour y installer des paysans, principalement des maraîchers, dans l’idée d’œuvrer en faveur de la « résilience alimentaire » du territoire.
« Il y a cinq ans, avec des habitants d’Albi et des alentours engagés dans des Amap, l’association Albi en transition ou dans le mouvement des Incroyables Comestibles, nous avons monté une association. Nous installions des jardins en libre accès dans la ville, mais ces initiatives avaient surtout des vertus pédagogiques. Nous nous sommes dit que nous pouvions aller plus loin », (…)
A lire aussi : Dans le Tarn, une nouvelle forêt indigène sort de terre
En 2019, à la faveur d’une action bénévole, ils rencontrent Marion et August, deux maraîchers en cours d’installation à Lescure-d’Albigeois. Elle est graphiste de formation, lui originaire du Colorado. Par un heureux hasard, le couple a pour voisin un agriculteur céréalier qui s’apprête à partir à la retraite. Quelque 15 ha de terres fertiles sont mis en vente, auxquelles s’ajoutent 4 ha en fermage. August en informe aussitôt le collectif. Pour le paysan venu d’outre-Atlantique, l’occasion est belle « de voir cette plaine se remplir de maraîchers ». Il souhaite à tout prix éviter que « ces terres partent à l’agrandissement ».
L’association décide donc de passer à l’action et de racheter ces parcelles. Pour ce faire, les bénévoles créent une société foncière sous statut coopératif dénommée Terres citoyennes albigeoises. « La SCIC permet d’impliquer les collectivités locales. Elle fonctionne aussi sur le principe démocratique d’une personne égale une voix », argumente Pascal Henry. La municipalité de Lescure-d’Albigeois décide d’ailleurs de soutenir le projet et de devenir sociétaire de la foncière. (…)
En un an, outre la municipalité de Lescure, plus de 120 sociétaires achètent des parts de la SCIC. Un capital de 150 000 € est constitué. Il permet d’acquérir le foncier ainsi que du matériel agricole. Fin 2020, avec l’accord de la Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural), séduit par le projet de pôle maraîcher, et le soutien de la municipalité de Lescure-d’Albigeois, les citoyens deviennent officiellement propriétaires du domaine.
Une photo aérienne entre les mains, Éloi Tostivint pointe une multitude de petits rectangles coloriés en diverses nuances de vert. « Toutes les parcelles sont actuellement en conversion vers l’agriculture biologique. Ici, il y a un îlot de 8 ha sur lequel on pourrait installer quatre à sept maraîchers. Nous voulons redonner à ces terres leur vocation maraîchère dans l’optique de nourrir la ville. Notre objectif est de transformer une plaine céréalière en plaine nourricière », pointe le bénévole, également sociétaire de la SCIC. Mais passer du blé cultivé en conventionnel aux légumes certifiés bio n’est pas chose aisée.
Dans la boucle du Tarn, les chantiers bénévoles s’enchaînent. Il faut désherber, planter des haies et de l’engrais vert, installer un système d’irrigation, monter des bâtiments. Pour mener ces actions et bénéficier des aides de la Pac (Politique agricole commune), une société collective d’exploitation agricole (SCEA), filiale de la société coopérative, est créée. « En attendant que des maraîchers ne s’installent, c’est cette société qui cultive les terres », précise Éloi Tostivint.
Car le but de Terres citoyennes albigeoises est bien d’installer des paysans aux portes d’Albi, sur des terres qui auraient pu être grignotées par le béton et l’étalement urbain. Pour l’heure, seuls Marion et August y cultivent des légumes. En 2023, ils seront rejoints par d’autres maraîchers. Le collectif planche sur le cahier des charges auquel devront répondre les candidats à l’installation. « Par rapport aux besoins du territoire et à l’histoire du lieu, nous souhaitons une dominante maraîchage, de la coopération entre agriculteurs et des productions certifiées AB, Nature et Progrès ou Demeter. Il pourrait aussi y avoir, en complément, des petits fruits ou des volailles », précise Pascal Henry, qui affirme avoir déjà reçu plusieurs candidatures.
Fidèle à son leitmotiv, Terres citoyennes albigeoises ne retiendra que des productions nourricières, commercialisées en circuits courts. Les agriculteurs seront en fermage, donc locataires de la foncière. Ils signeront des baux enrichis de clauses environnementales. Amap, marchés bio, restauration collective… les débouchés sont nombreux autour d’Albi, une ville qui avait affiché, à cor et à cri mais sans y parvenir, sa volonté de devenir autosuffisante. À la rentrée prochaine, les futurs maraîchers devraient déjà approvisionner la cantine de l’école de Lescure et peut-être celle de l’Ehpad. « Depuis 15 ans, nous faisions livrer les repas par une société. Désormais, ce sont les maraîchers de Lescure qui nourriront les enfants. Cela représentera 320 à 350 repas quotidiens », se félicite Élisabeth Claverie.
Au prix de quelques autres chantiers participatifs, grâce aux efforts d’Éloi, Wilfried, Marion, Alix, Zacharie, Pascale et d’autres bénévoles, le bâtiment agricole sera alors terminé, tandis que d’autres maraîchers cultiveront des légumes aux côtés de Marion et d’August. « Il suffit d’un hectare pour vivre en faisant du maraîchage diversifié. Cinq à dix s’il s’agit de culture de plein champ. En mixant ces deux options, nous visons une dizaine de producteurs sur le site », se projette Pascal Henry. Dans cette boucle que trace le Tarn, Terres citoyennes albigeoises aura alors réussi son pari, celui de nourrir la ville, qui plus est en créant de l’emploi.
ndr: Puissent-ils donner des idées semblables à d’autres personnes prêtes à agir concrètement
©2024 Reli-infos