« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )
12, Jan 2023 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Documentation,Droits humains,International No Comments
« Le populisme n’est pas une “expérience” politique dont on pourrait sans heurts tourner la page. » Voilà ce que suggèrent les derniers événements au Brésil, copie conforme de ce qu’il s’est passé aux États-Unis le 6 janvier 2021. Dans un cas comme dans l’autre, même si la démocratie a tenu bon, il s’agit de regarder le péril dans les yeux : c’est bien à des tentatives de coup d’État, d’ailleurs tout à fait prévisibles, qu’ont fait face les deux grandes nations américaines.
Par Aymeric Christensen, directeur de la rédaction
Publié le 10/01/2023 dans La Vie. (larges extraits)
Comme un faux air de « président en exil » ? Par le jeu dangereux auquel il s’adonne depuis sa défaite, le 30 octobre dernier, à l’élection présidentielle brésilienne, Jair Bolsonaro porte une grave responsabilité dans les mouvements insurrectionnels du dimanche 8 janvier. Et ce, quelles que soient son innocence ou son implication dans l’organisation de l’assaut simultané contre la Cour suprême, le Congrès et le palais présidentiel.
Parce qu’il a choisi de mettre en doute les résultats du vote (Luiz Inácio Lula da Silva ne l’ayant emporté que d’un court 50,9 % des suffrages), parce qu’il n’a rien fait pour condamner les manifestations de ces dernières semaines, lui qui a pendant quatre ans encouragé les Brésiliens à s’armer, et parce qu’en refusant d’être présent à la passation de pouvoir il continue de nier symboliquement sa défaite. À tout cela s’ajoute l’indignité de ne condamner les violences que du bout des lèvres.
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Décidément, les populistes et leurs partisans semblent avoir un sérieux problème avec la restitution du pouvoir quand ils l’ont démocratiquement exercé mais en sont, tout aussi démocratiquement, écartés. Sans réelle surprise, la tendance révèle le caractère problématique des hérauts autoproclamés du peuple… quand le peuple ne leur donne pas raison.
Au contraire, loin de lui rendre le pouvoir, ces mouvements instrumentalisent et chauffent à blanc les colères populaires, à grand renfort de démagogie, de fausses informations et d’un certain culte de la force, conduisant à aggraver les fractures de la société.
L’immense défi des démocraties aujourd’hui est aussi de suspendre cette implacable mécanique pour réinventer une œuvre de réconciliation et de justice sociale. Car c’est dans les rangs des plus pauvres que les mauvais génies autoritaires savent le mieux semer leurs illusions destructrices, en s’appuyant sur les travers et la corruption d’une partie des élites politiques. En cela, la mission de reconstruction de Lula sera difficile, dans un pays encore très marqué par le « bolsonarisme », et alors que ses propres démêlés judiciaires ne sont pas entièrement derrière lui.
Quant à nous, il est nécessaire de percevoir dans ces épisodes de sérieux avertissements. Le populisme n’est pas une « expérience » politique dont on pourrait sans heurts tourner la page. Si naturelle qu’elle nous paraisse, la démocratie demeure une réalité fragile, qu’il faut protéger sans relâche. Qu’un parti politique croie pouvoir semer le doute sur la sincérité d’une élection, elle s’engage déjà sur une pente dangereuse.
Et les chrétiens ont tout à perdre, et presque rien à gagner, à se jeter, comme l’ont fait trop d’évangéliques et certains catholiques américains, comme forces d’appoint dans les bras de leaders brutaux et immoraux. Leur rôle, on ne le répétera jamais assez, est d’abord de se mettre, dans toutes les couches de la société, au service de la vérité, de la justice et de la paix.
source : https://www.lavie.fr/idees/editos/lavertissement-bresilien-86180.php
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