« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )
21, Nov 2016 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Dialogue dialogue islamo-chrétien, Louvain-la-Neuve, paix, religion, rencontre, vivre ensemble No Comments
C’est une très belle rencontre qui a eu lieu le samedi 19-11-2016 à L.L.N. Le public nombreux (près de 150 personnes) fut invité successivement à l’église St François et à la nouvelle mosquée. Des explications y furent données sur le lieu et sur les pratiques principales : l’Eucharistie ou la « Salat » (mot arabe qui signifie « le lien », contact direct entre le serviteur et son Seigneur).
Le P. Dominique Janthial, curé de la paroisse St François, expliqua, à partir de l’Ancien Testament, la purification progressive du sens du sacrifice à Dieu, aboutissant finalement au sacrifice que Jésus fit de sa vie pour le salut de son peuple lors du repas pascal que chaque Messe commémore. Bruno Vermeire, modérateur de tout l’après-midi, donna ensuite la parole à Isabelle Eliat-Serck qui insista, quant à elle, sur la priorité absolue, en religion, de l’attitude du cœur et du comportement très concret de tous les jours. Si la foi se contente des croyances et des rites, elle risque d’être un ferment de division entre les humains. L’important est donc que ces rites et croyances servent à « nous reconnecter à notre cœur et au feu d’amour divin qui brûle pour tous nos frères en humanité et pour toute la création ».
Nous marchâmes ensuite tous ensemble jusqu’à la mosquée. Youcef Bouterfa nous raconta la longue histoire, depuis 1978, de l’obtention d’un petit local près du centre sportif, puis du permis et de la réalisation de la mosquée. Hakim El Khayari nous expliqua ensuite le sens profond de la pratique principale, la « Salat », une série de gestes très précis entrecoupés de silences et de psalmodies du Coran, en particulier les prosternations « face contre terre » par lesquelles le musulman reconnait sa petitesse devant le Seigneur de l’univers. Il rapprocha ce geste de celui de Jésus en prière à Gethsémani.
Un moment très fort de l’après-midi fut le témoignage très personnel d’une musulmane, Hanan Benkadour, qui évoqua sa foi comme un voyage intérieur vers une maturation et une ouverture progressive du cœur aux autres, en particulier les personnes d’autres convictions. L’islam, dit-elle, n’empêche pas d’avoir l’esprit critique. Les actes violents commis au nom de l’islam lui ont provoqué des doutes, mais le groupe islamo-chrétien lui a offert la possibilité de les exprimer et ainsi de les dépasser dans une décision de s’investir pour changer les choses. Elle espère que la nouvelle mosquée favorisera l’ouverture aux autres, contrairement à l’ancien petit espace de 43m2 qui faisait plutôt penser à un lieu secret, comme quelque chose de louche !… Le groupe l’aide dans son cheminement et la rend plus forte dans sa foi, qu’elle vit maintenant dans chaque geste du quotidien, tout en espérant pouvoir désormais rejoindre la prière communautaire du vendredi midi.
Pour les chrétiens, un autre moment fort de la rencontre fut de pouvoir assister à la prière musulmane du coucher du soleil, dans la très belle salle de prière. Certains en accomplirent même les gestes d’inclination et de prosternation, car ce sont des gestes naturels d’adoration, nullement réservés aux seuls musulmans.
Au terme de la journée régnait une joie fraternelle d’avoir vécu quelque chose de fort, d’avoir expérimenté une unité humaine et religieuse de fond au-delà de la diversité des rites. Gageons qu’il en résultera un changement profond dans le regard des uns sur les autres et donc un grand pas en avant vers plus de confiance mutuelle. Car la méfiance et la peur créées par l’amalgame entre islam et terrorisme sont un poison des relations humaines. Il ne suffit pas de se tolérer, ni même de se respecter, il faut oser se regarder comme des frères et des sœurs en humanité, et ceci est plus important que jamais, si l’on veut éviter les dérives auxquelles on a assisté aux Etats-Unis et les problèmes redoutables qui en résulteraient pour nos sociétés.
Philippe de Briey, Louvain-la-Neuve le 20-11-2016
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