« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )
17, Oct 2022 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Actualités chrétiennes,guerre ou paix,Spiritualité No Comments
Interview Marie-Lucile Kubacki, de l’hebdomadaire français « La Vie » à Rome
Publié le 10/10/2022.
(ndr : ce témoignage est intéressant, à l’heure où se pose à nouveau avec acuité la question de la paix en Europe et du rôle que peut y jouer le christianisme).
Le 24 octobre, Emmanuel Macron rendra visite au pape François pour la troisième fois. Mais l’aspect le plus marquant de sa venue dans la Ville éternelle devrait être sa participation au rassemblement annuel de la communauté Sant’Egidio, sur le thème de la paix et du dialogue entre les cultures et les religions, en réponse à une invitation. Celle-ci s’inscrit dans la lignée de plusieurs échanges avec le mouvement également nommé « ONG du Trastevere » autour de la place de l’Europe dans le monde, du volet africain des activités de Sant’Egidio où la collaboration a été déterminante, de la situation internationale et des couloirs humanitaires. Mais c’est aussi le fruit d’une rencontre entre le président de la République et le fondateur de Sant’Egidio, l’historien Andrea Riccardi, intellectuel catholique influent, Européen convaincu, grand admirateur des théologiens français du Concile, dont l’ouvrage l’Église brûle vient de paraître aux éditions du Cerf. Une réflexion profonde sur la crise du christianisme en Europe. Celui-ci s’est confié à La Vie.
Je parlerais d’un dialogue ouvert, initié par une rencontre au palais Farnèse avec une délégation de la communauté Sant’Egidio, à l’occasion de sa première visite au pape François en 2018, suivie d’autres entrevues au palais de l’Élysée et à nouveau à Rome, dans le cadre d’une série de rencontres portant sur la situation mondiale, européenne en particulier. J’ai été marqué par la grande attention du Président aux problèmes spirituels, qui ont un impact non seulement sur la vie personnelle des gens, mais aussi sur l’ensemble de la société. Parce que notre société – et c’est moi qui le dis – connaît un grand vide spirituel, donc un repli sur soi et une peur de l’avenir.
Ceux qui connaissent un peu l’histoire de France comprendront immédiatement que le discours d’Emmanuel Macron aux Bernardins a marqué un tournant. Quand il dit que les catholiques sont morts à la guerre pour leur foi et pas seulement pour la patrie, cela témoigne d’une compréhension profonde de ce que l’Église représente pour la France. Il a saisi l’importance de l’Église et du christianisme pour l’écologie humaine et spirituelle de la France et de l’Europe. Une racine solide qui ne doit pas être figée dans des documents, mais vécue.
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Qu’est-ce que cela signifie pour l’Europe ? Cela signifie ne pas vivre pour soi mais pour Celui qui est mort et ressuscité, et donc vivre pour les autres. Ainsi, je crois que le discours des Bernardins a été un discours très important, non pas parce qu’il voulait créer un axe entre l’Église et la République, mais parce qu’il proposait un nouveau climat de collaboration et un nouveau climat culturel. Une manière de dire que la République laïque n’a pas peur des valeurs religieuses, des Églises ou des religions, mais que la laïcité peut être la maison de tout le monde.
Reste à voir comment ce discours a été reçu, et je n’ai pas l’impression qu’il l’ait été largement. Peut-être qu’à ce moment-là, l’Église était davantage occupée par d’autres problèmes. Néanmoins ce discours reste et peut encore porter ses fruits. La tentation des chrétiens des Églises européennes est de se préoccuper des problèmes internes et, comme le dit le pape François, de sortir peu. Or l’avenir n’est pas dans la restructuration de la maison mais dans la rue, où il faut se rendre. Je comprends que cela puisse paraître absurde, mais je crois qu’il en est ainsi, car les expériences de sortie se sont révélées fécondes.
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Je pense que les catholiques ne sont pas voués au déclin. Il faut faire la différence entre déclin et crise. Les catholiques traversent une crise, mais cela peut aussi être l’occasion d’une renaissance. C’est à cela que nous devons penser. Les catholiques et l’Église, en Europe et en France, ont été trop perméables à la mentalité de déclin qui est celle de la société européenne dans son ensemble. Or la mission de l’Église n’est pas d’être la compagne d’une Europe en déclin. C’est une mission prophétique. Elle consiste à regarder l’avenir à la lumière de la parole, c’est-à-dire de la prophétie. Ce qui ne signifie pas tant crier qu’imaginer un avenir autre, différent de la banalité du présent, de l’égocentrisme et de la résignation que nous vivons. Une telle Église sera attrayante.
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