« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )

Asma Lamrabet: Les femmes et l’islam, une vision réformiste

27, Fév 2017 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Actualités Islam,Foi musulmane     , , , , , , ,   No Comments

 

Mme Lamrabet, croyante et féministe musulmane, médecin biologiste, s’impose comme une figure incontournable au niveau international du féminisme musulman.  Elle est l’auteur de nombreux ouvrages et articles, parmi lesquels « Femmes et hommes
dans le Coran » paru en 2012, qui a reçu le prix de la Femme arabe 2013, catégorie Sciences sociales.

Elle est présidente du GIERFI, groupe d’etudes et de réflexion sur le thème Femmes et Islam basé à Barcelone et Directrice du Centre des Études Féminines en Islam au sein de la Rabita Mohammadia des Ulémas du Maroc. (NB : la Rabita est un centre de recherche théologique réformé par décret royal en 2006 et 2007 pour la promotion d’un Islam du juste milieu).
La conférence ci-dessous a été donnée à l’ULB le 20 février 2014, dans le cadre de l’atelier Genre(s) et sexualité(s), organisée par la Maison des Sciences Humaines de l’ULB en collaboration avec le GERME et l’OMAM-MSH. Cet atelier s’inscrit dans le certificat universitaire « Islam et musulmans d’Europe : perspectives historiques et défis contemporains ».
Dernier ouvrage d’Asma Lamrabet : Croyantes et féministes, un autre regard sur les religions aux éditions La croisée des chemins, 2016.
NB : Vous avez ici les notes abondantes prises par Mme Françoise Duthu que nous remercions pour ce travail d’un grand intérêt. Évidemment, c’est de l’islamologie assez « technique » et ne se lit pas en quelques minutes !  Mais ceux et celles qui s’intéressent à la question seront heureux de lire cette conférence qui témoigne d’un courant nouveau, féministe, qui veut revoir profondément la théologie classique dans l’islam.

Mme Asma Lamrabet:

Je suis très heureuse d’être avec vous. Merci d’être aussi nombreux . Ça me fait chaud au
coeur.
Je parle à partir d’un contexte qui est le mien : celui du Maroc.Je ne veux pas qu’il y ait
transposition d’un contexte à l’autre. Au Maroc l’islam est un référentiel incontournable. C’est à
partir de ce contexte-là que je fais ces recherches.
Quant à ma posture c’est celle d’une croyante, une croyante aussi qui revendique d’être critique par
rapport à sa tradition.
Je parle aussi en tant que femme, en tant qu’être humain qui est sensible à toutes les
discriminations, surtout celles envers les femmes, quelles que soient leurs origines, leurs cultures
ou leurs religions.
De façon très caricaturale, c’est vrai qu’aujourd’hui, la question des femmes en islam est prise en
étau entre deux discriminations internationales, une islamophobie médiatisée et O combien
aujourd’hui banalisée et un patriarcat culturel avéré, aussi bien dans les sociétés musulmanes que
dans les sociétés non musulmanes. Les femmes musulmanes sont des sujets de choix dans les
débats politiques généralement instrumentalisé par des hommes.
Au sein des sociétés majoritairement arabo-musulmanes l’instrumentalisation au nom du religieux
de cette question continue de faire des dégâts aujourd’hui plus qu’hier , surtout avec ce recours, et
non pas retour, au religieux qui se cristallise autour des femmes, constamment sollicitées, sur tous
les sujets pour préserver l’identité musulmane. Car, dans l’imaginaire musulman, elles préservent
l’identité musulmane constamment menacée et donc elles sont devenues par la force des choses, à
force d’être gardiennes du temple identitaire, le maillon faible de l’islam.
N’y aurait-il pas d’autres voies pour ces femmes que celle de la soumission aveugle ou celle de la
dénégation de soi?
Évidemment que oui, une autre voie est possible, même s’il faut reconnaître qu’il est très difficile
aujourd’hui de faire la part des choses tant cet Islam comme religion a été instrumentalisé par les
idéologies les plus extrêmes. Oui, je pense qu’on peut se frayer un chemin entre toutes ces
idéologies, que ce soit l’idéologie néolibérale qui affirme la suprématie du marché sur les valeurs
éthiques, ou cet Islam commercialisé sous le label halal, oui, il y a d’autres chemins que
l’étouffante tradition de la bigoterie ou celle de la culture dominante du consumérisme néolibéral,
de la misogynie mondialisée accompagnée de la montée des populismes et des ultraconservatismes
de tous bords, oui il y a un chemin où l’on peut tenter d’une part de nous
désaliéner de ce que beaucoup ont appelé l’hypermodernité hégémonique matérialiste et d’autre
part de dépatriarcaliser la tradition musulmane qui est toujours ensevelie sous ses incohérences.
En toute sincérité, partant de ma propre expérience et de mon propre contexte, situé dans une
société où le référentiel religieux est incontournable, je pense sincèrement qu’il faudrait d’abord
s’atteler à la deuxième tâche, c’est-à-dire d’abord balayer devant notre porte. Et là Il y a du travail
à faire. Et on commencera par la déconstruction par les musulmans de leur propre vision de l’islam,
celle de leur référentiel et celle du monde occidental où ils vont tous.
Alors bien sûr nous avons tous entendu cela : l’islam permet la polygamie, impose la soumission
des femmes aux hommes, leur refuse le droit d’hériter à part égale, permet qu’on les répudie,
octroie aux hommes tous les droits. Toutes ces questions sont admises aussi bien dans le Monde
musulman que dans le Monde non musulman comme faisant parti du fondement du sacré. Sont-elles
structurelles à l’islam, sont-elles vraiment transcrites dans ce texte coranique ou bien sont-elles
le fruit d’une interprétation humaine dans des complications théologiques à travailler.
Pour répondre à cette question Il est essentiel de distinguer entre les différentes catégories de
lecture afin de saisir ce que dit vraiment aujourd’hui le message spirituel, ce qu’il ne dit pas, mais
aussi surtout ce qu’on lui a fait dire depuis des siècles. Il ne s’agit pas de donner des réponses
définitives toutes faites, mais plutôt de démontrer arguments à l’appui que la majorité des
interprétations a été le produit de leur milieu social et culturel et se sont souvent situées à l’encontre
des attitudes permises par les Textes. Oui, il se peut que sur cette question des femmes, Il y a un
décalage conséquent entre ce que porte le message spirituel de l’islam et la majorité des
littératures interprétatives, notamment celle du droit musulman, du « fiqh », et qui sont majoritairement,
Il faut le dire, largement discriminatoires. Et le plus important est que ces interprétations sont
devenues avec le temps ce qu’on appelle le taqlid, imitation aveugle, des récits complètement
travaillés.
Alors oui, Il y a d’autres chemins pour les femmes musulmanes, celle d’une troisième voie, celle
d’une lecture réformiste à même de concilier droit et émancipation sans aucun problème.

NB : à partir d’ici, ce compte rendu est fait à partir de notes et non plus d’un enregistrement.

Mais avant de vous présenter cette troisième voie, je voudrais faire quelques précisions.
• Première clarification : l’islam serait la seule religion de l’oppression des femmes. En réalité, la
condition des femmes transcende toutes les traditions religieuses, toutes les traditions spirituelles
Deuxième clarification : dire d’où l’on parle.
•Troisième clarification : Comprendre l’autre à partir de ses propres termes, de son référentiel.

Car juger les autres à l’aune de nos propres normes rend de plus en plus difficile la compréhension
entre les univers qui se font face.
• Enfin, Il s’agit de savoir de quel islam parle-t-on ?  du Maroc, de l’Indonésie, de l’islam soufi, de la
Charia, du fiqh,…
Terminologie : il faut distinguer charia et fiqh.
Le terme charia désigne une source qui mène à un point d’eau. Dans la conception islamique la
Charia est porteuse d’une éthique universelle globale.
Le terme fiqh désigne pour sa part une interprétation du Texte située dans un contexte temporel.
Le problème est que l’interprétation a débouché sur des lois codifiées, alors qu’il n’y a pas plus de
5% de lois dans le Coran.
Dès les 8 et 9 e siècles, on a assisté à une réduction de l’interprétation du Texte à une vision
légaliste de l’islam, en particulier sur le statut personnel.
Aujourd’hui, dans les pays arabes, seuls font exception sur ce point la Tunisie et le Maroc.
En réalité, ce n’est pas l’islam qui est en cause, mais l’interprétation qui est faite du Texte depuis
des siècles,
Il faut donc faire la part des choses entre la spiritualité et la religion avec ses institutions sous
contrôle du politique et propre au terreau.

La vision réformiste
Pour comprendre ce que dit le Texte, il faudrait enlever toutes ces contingences culturelles dans
l’interprétation. C’est ce que propose la vision réformiste,
Elle propose de déconstruire la lecture traditionnelle, de relire le Coran dans son élan d’origine, de
dégager une éthique universelle libératrice.

Sur la méthode, que dit la vision réformiste?
Il convient de distinguer 3 niveaux de lecture nous permettant de lire le texte.
Une vision holistique, cessant de prendre les versets un par un.
• Une étude également finaliste avec les maqasid – finalités. Cette approche nait dès l’imam Malik
au 8eme siècle (fondateur de l’école malékite), qui met en avant la notion d’utilité, maslaha
‘âmma; au 14 ème siècle, l’Imam Shatibi met l’accent sur les maqasid ou finalités de la religion.
Sa réflexion a disparu des mémoires jusqu’aux réformistes de la Nahda, à la fin du 19eme siècle
et au début du 20eme.
3 fondamentaux ont alors été dégagés:
L’instauration de l’intérêt général.
La levée de toute contrainte
La mise en oeuvre de la justice
Les maqasid sont certes étudiés aujourd’hui mais seulement théoriquement.
• Autre axe méthodologique : la pratique de l’ijtihad, effort pour le renouveau tadjid. C’est le
contraire du taqwid, imitation aveugle des prédécesseurs.
Donc, vision holistique, finaliste et ijtihad sont les fondements de l’approche réformiste.

• Il faut y ajouter la prise en compte de la dimension socio-culturelle. C’est cette lecture
contextualisée qui permet une autre approche débouchant sur une éthique humaniste et
égalitariste.
On identifie dans cette approche 21 versets égalitaires concernant la relation hommes femmes.
Cette dimension de l’éthique universelle s’articule sur plusieurs concepts dont le premier est le
Tawhid, l’unicité divine.
D’où
• Une relation personnelle à Dieu. Il en résulte qu’en tant que femme je n’ai de compte à rendre
qu’à Dieu et je me libère du shirk, associationnisme.
• Une approche humaniste qui valorise le savoir ( le Coran insiste sur al aql, perspicacité, raison) et
cherche les voies de l’accès à la connaissance.
• Concernant la question de la liberté de croire, il y a un verset coranique très clair. Verset  » Celui
qui veut croire, qu’il croie, et que celui qui le veut reste incrédule ». Sourate 18, verset 28.
Une autre dimension fondamentale est l’exigence de justice. Dieu ordonne la justice.
• Dernière exigence : la dignité. C’est ce que demandait la rue lors des printemps arabes.

Application à la question des femmes
Des siècles d’instrumentalisation nous ont conditionnés au concept de taha ou soumission.
Il faut en revenir à l’éthique.
80% du message coranique transcende le genre.
Il n’y a pas de statut de la femme ou de l’homme en islam mais celui de l’insân, l’être humain.
Quant aux normes on a retrouvé une quinzaine de concepts égalitaires.
Ex la création dans la sourate les femmes. Il n’y est pas fait mention de la côte d’Adam, mais de la
création des deux sexes à partir d’un être unique. Sourate 4 verset 1  » O vous les gens craignez
votre Seigneur qui vous a créés d’une âme (nafs) unique…. »
NB : sur ce point, on a retrouvé les mêmes traditions (NB : le récit de la femme née d’une côte
d’Adam) dans les trois monothéismes.
Le khilâfa ou vice-gérance de la terre n’a pas été donné spécifiquement aux hommes de même
que la compétence.
Le Coran insiste sur le concept de la responsabilité en commun dans le mariage.
Le mariage est décrit comme un contrat lourd de sens. Ce qui implique égalité. Or, dans le fiqh, la
femme est traitée comme une esclave.
En réalité il y a coresponsabilité socio-politique de l’homme et de la femme.
Au Maroc Il y a eu tout un combat autour de la notion de chef de famille qui en réalité venait… du
code Napoléon!
Au sujet de cette dimension égalitaire, consulter le site et les ouvrages d’Asma Lamrabet.
La dimension sociale est le socle de la problématique des femmes.
Il existe en fait 6 versets dont l’interprétation a posé problème aux femmes. Ils nécessitent une
double lecture prenant en compte l’esprit du texte et la réponse contingente donnée à l’époque.
Ces versets portent sur la polygamie, le voile, la répudiation, la tutelle, héritage et le témoignage.
Ces six versets ne peuvent être perçus autrement que comme discriminatoires.
Ces versets sont en réalité conjoncturels, et ne traduisent pas un message universel, mais ils ont
été interprétés selon le contexte de l’époque. Ceci est normal. Mais le problème est qu’il y a eu
sacralisation de ces interprétations.
Aujourd’hui Il faut radicalement changer de cadre de référence en retournant à l’éthique
Au niveau international un ensemble de recherches ont abouti aux mêmes résultats, par ex sur le
caractère mythique de la création de la femme d’une côte d’Adam.
De même, on a mis en évidence le fait que la lapidation n’existe pas dans le Coran, qui ne
mentionne pas davantage l’excision .
L’on a déjà vu tout à l’heure ce qu’il en est de la notion de chef de famille.
Sur le divorce : Il souvent réduit à la répudiation. Or le Coran mentionne trois procédés en matière
de dissolution du mariage : à la demande de l’homme, à celle de la femme ou encore par une
procédure.
Par ailleurs, on a pu interpréter que la polygamie n’est pas la norme puisque le contrat de mariage
peut stipuler l’interdiction du remariage.
On a trop souvent réduit la femme à un voile.
Tragique est le déni de la part des théologiens à afficher les questions qui fâchent tels par exemple
celle des châtiments corporels…
Ce refus est du à cette obsession de vivre l’islam sur l’imitation des anciens (taqlid). Il y a eu refus
de penser le nouveau, apathie intellectuelle.
Mais un espoir vient du Maroc, avec la réforme du code de la famille en 2004.
Cette réforme est le fruit, Il faut le reconnaître, de la mobilisation des féministes des partis de
gauche du Maroc. Avec l’islam politique, une fracture s’est alors produite en raison de la peur de la
perte de l’identité islamique. Il a fallu recourir à un arbitrage royal, qui prit la forme d’une
commission composée de forces diverses. Et la réforme qui en est née se nourrit du référentiel
islamique.
Il fallait d’ailleurs une cohérence avec la réforme de la constitution de 2011 qui stipule l’égalité
hommes femmes.
Aujourd’hui, une révision des manuels scolaires est en cours.
La Rabita (fondation d’utilité publique qui a une fonction de recherche théologique ayant pour
finalité la promotion d’un Islam du juste milieu) a créé le Centre des études féminines il y a 7 ou 8
ans. Ce Centre est piloté par un théologien de la troisième voie. Il comprend non seulement des
Oulémas mais aussi des théologiens juifs et chrétiens.
Conclusion
Oui, Il y a l’islamophobie et les deux poids deux mesures de la géopolitique, oui Il y a le système
financier libéral, mais il y a aussi les failles internes au discours islamique. Nous avons à
entreprendre cette réforme pour un religieux transformé en éthique de libération face à la présence
d’un Islam fermé exprimant le refus de l’autre.
Questions/Réponses
NB : pas d’enregistrement pour le débat
1. Qu’en est-il de l’absence de la référence aux Hadith qui a semblé durant l’exposé?Quid du rôle
des femmes dans l’interprétation des Textes?
2. Nous sommes privées en tant que femmes de compétences dans les débats; cf la méthodologie
de Shatibi qui rassemble tous les versets du Coran sur un même thème. On identifie 500 versets
sur la liberté.
3. Qu’en est-il de la pluralité d’interprétation. Le port du niqab est une des interprétations de l’islam.
Comment le gérer? Faut-il laver notre linge sale en public ou en privé?
Réponses
1.1 Le Hadith est compris dans le terme Texte. Mais la tradition est moins claire que le Coran.
On a procédé à une relecture et une re-authentification des hadith en Turquie. Ex sur l’apostasie il y
a un hadith qui pose beaucoup de problèmes . Au Maroc on l’a interprété comme conjoncturel ( et
non principiel) car on a estimé qu’il traitait du cas d’une trahison politique. Autre ex: celui du hadith
« le paradis est sous les pieds des femmes ». Il est faible ( NB les hadith sont classés selon leur
degré de fiabilité estimé par des méthodes assez complexes).
Autre ex, le hadith « les femmes sont dénuées de raison » dans le Bukhari ( référence fondamentale
dans le domaines des sciences du hadith) est sahih, c’est-à-dire fort.
Aujourd’hui de grands savants disent qu’il faut reprendre les hadith de façon critique.
Tout cela est à revoir à la lumière de la pédagogie du Prophète.
1.2 L’absence des femmes dans l’interprétation du Texte est terrifiante et est à l’opposé de leur
rôle au moment de la prédication. Ex Aicha, épouse du Prophète, qui a fait la guerre à un calife et a
été la première mufti. Elle a corrigé 400 H transmis par Abu Hurayra.
Les grands imams Chafii ou Abu Hanifa ont eu des enseignantes femmes.
Ce qui s’est passé pour les femmes, c’est ce qui se passe dans toutes les révolutions à la suite
desquelles le pouvoir est repris par les hommes. Au 8 e et 9e siecle sont établies des compilations
du fiqh.
Un travail d’analyse critique des hadith est en cours au sein de la Rabita. Une encyclopédie en
douze tomes sur la question des hadith, la muhadditha, est en cours de publication (premier tome
édité).
2. Sur la compétence des femmes
Un diplôme de sciences islamiques ne permet pas de répondre à tout. Il y a déconnection de la
réalité sociologique.
Tout ijtjihad, effort d’interprétation, doit se faire en plus avec ceux qui ont la connaissance du
contexte.
3. La pluralité des lectures est importante et doit rester. Mais ce qui pose problème est le fait de
vouloir imposer UNE lecture. Et ces lectures ne doivent pas être le produit d’un endoctrinement.
Les femmes sont souvent culpabilisées par rapport au savoir islamique. Ainsi sur la question du
niqab il est peu probable que celles qui le portent le fassent en relation à une vraie connaissance
des Textes. Il y a plutôt endoctrinement.
De la culpabilisation à la certitude…
Deuxième série de questions
2.1Une femme demande un explicitation du féminisme dAsma Lamrabet.
2.2 Mina (que j’ai connue dans le cadre d’une formation sur l’islam à l’UCL) exprime sa
préoccupation face au discours normatif religieux qui circule dans les quartiers chez des jeunes
filles de 13 ou 14 ans. Rejet de l’islam inclusif des parents. Circulation de biographies du Prophète
trafiquées dans les quartiers. NB : Il n’y aura pas de réponse sur cette question, mais AL nous avait
dit qu’elle voulait éviter la transposition d’un contexte à un autre.
2.3 Un homme : Quid du voile?
Réponses
2.1 Ma vision est une vision réformiste du féminisme. Tout d’abord, la méthodologie doit être
aujourd’hui enseignée pour changer les mentalités car aujourd’hui, il y a manque d’esprit critique.
Par ailleurs, Il faut pouvoir être écouté en haut lieu. Le rôle du politique sur la question est
important. Ex au Maroc l’égalité entre sexes fait partie de la constitution. Mais ceci est perçu
comme non conforme aux enseignements de l’islam, comme un signe d’occidentalisation. Un
travail important a été entrepris sur la révision des manuels scolaires.
Cela dit, en ce moment la vision réformiste n’est pas transmise. Le rapport de forces est à travailler.
Mais le moment est propice. Car il y a retour du bâton pour ceux qui ont déversé leur idéologie
étriquée en profitant de la misère et de l’ignorance.
2.3 Sur le voile jai tellement étudié et écrit!
La vérité est qu’avec la naissance de l’islam politique la visibilité permise par le hijab était quelque
chose de très important. J’en ai parlé à un certain nombre de théologiens dont c’est le jugement.
Or le hijab est le contraire du khimar (NB c’est le khimar ou grand voile qu’il faut rabattre sur la
poitrine dans le Coran, le hijab étant un rideau de séparation).
Le Coran décrit simplement l’éthique de la décence.
Le meilleur vêtement est celui de l’intégrité,
Je ne suis pas d’accord avec l’approche du port du hijab comme obligation divine. Plusieurs
théologiens reconnaissent d’ailleurs que l’on a abusé de cette obligation.
Qardawi lors d la première crise du voile a ainsi déclaré que la priorité est le choix de l’éducation. Il
est plus important de travailler pour l’utilité de la société que de porter le hijab, qui n’est pas un
pilier de l’islam.
Cela dit, imposer comme interdire est totalitaire. Il faut donner aux femmes les moyens de répondre
en connaissance.
Je suis pour un féminisme universel spirituel, celui de toutes les spiritualités libératrices. Voir
l’exemple de la théologie de la libération latino-américaine. Je rêve d’une théologie de la libération
marocaine.

Compte-rendu réalisé par Mme Françoise Duthu que nous remercions.