De plus en plus d’inégalité entre les humains

13, Jan 2022 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Articles personnels,Droits humains,Environnement,International,Justice sociale     No Comments

Que faire ?

Chers amis et amies,

Suite à la lettre de Coline Briard, publiée sur ce site, voici quelques réflexions qui me sont venues :

C’est affolant, ce qu’elle dénonce : que 1% des humains possèdent la moitié des richesses du monde, l’autre moitié devant être partagée par 99 %…

C’est comme si vous invitiez 100 personnes à dîner et qu’une personne seule au bout de la table reçoive la moitié des plats, et que les 99 autres doivent se partager le reste…

Est-ce acceptable ? N’est-ce pas un immense scandale ? ([1])

Malheureusement, 1 % de bientôt huit milliards d’habitants, ça fait tout de même beaucoup de gens : 80 millions… Et le problème, c’est que ce sont ces 80 millions qui tirent les ficelles de l’économie et de la politique. Tous ces gens tiennent très fort à leur situation privilégiée, et soutiennent évidemment les partis et les personnalités qui défendent les intérêts du capital.

On comprend bien, dès lors, que :

• On retarde toujours les mesures urgentes contre le dérèglement climatique et la perte de la biodiversité.
• On laisse deux milliards de personnes vivre dans des conditions indignes d’êtres humains.
• La plupart des États sont des quasi-dictatures ou « démocratures » dont la police et l’armée assurent le maintien de l’inégalité sociale et de la corruption à tous les niveaux.
•  

Cette situation va d’ailleurs augmenter considérablement la pression migratoire vers les pays riches et ceci à un point qui deviendra incontrôlable. Même les murs ne pourront pas empêcher des millions de gens de fuir leur pays afin de ne pas y mourir avec leur famille.

Malheureusement, ce système est visiblement en train de se renforcer, puisqu’on constate que les ultra-fortunés ont augmenté leur fortune de 24 % en un an. Pas de risque pour eux de souffrir le moins du monde de la pandémie… De même, la course aux armements continue de plus belle ainsi que l’exploitation des mines de toutes sortes : ce sont en effet les secteurs les plus rentables. Au fond, c’est pour assurer ces super-profits que des millions de nos sœurs et frères humains doivent vivre comme des esclaves…  

Ce tableau est-il pessimiste ? ou simplement la réalité ?

On est arrivé à nous rassurer en nous prétendant qu’il n’y a pas moyen de faire autrement, qu’il n’y a pas d’alternative : « L’homme est un loup pour l’homme et ce sera toujours ainsi », « le système capitaliste est le plus efficace économiquement », « Préférez-vous le communisme ? »…

Cette inégalité sociale a atteint aujourd’hui des sommets, il n’est que de penser aux dirigeants des GAFA. On voit le pouvoir qu’ils ont d’éluder les impôts sur leurs profits énormes et leur fortune dépasse celle de la plupart des États. Que fait Jef Bezos, le dirigeant d’Amazon ? Non seulement il se lance dans l’espace, mais il crée le tourisme de l’espace qui lui rapportera encore plus d’argent ! Tant pis pour la pollution de l’espace qui en résultera. Les médias applaudissent, sans même se poser des questions. « On n’arrête pas le progrès, n’est-ce pas ? ». Peu se lèvent pour dire « Non, ce n’est pas acceptable, alors que des millions de gens crèvent de misère ! ». ([2])

Les Eglises protestent-elles ? Le pape François dénonce fréquemment l’indifférence à l’égard des pauvres. Mais peut-il faire autre chose que des appels généraux ? Les religions, malheureusement, ne s’estiment pas le droit ou la mission de faire de la politique concrète, de dénoncer les agissements concrets de certaines entreprises, partis, États, etc. Elles se contentent donc d’encourager à aller vers les pauvres ou à donner aux pauvres. Mais ce n’est pas cela qui change le système de l’inégalité et de l’exploitation de la terre et des prolétaires par les riches. ([3])

Le problème, il est politique, et il est lié à celui de climat : c’est le même système capitaliste qui refuse à la fois plus d’égalité des chances et plus de mesures contre le dérèglement climatique. Notre manière de voter est donc très importante pour espérer plus de justice et plus de souci pour l’avenir de toute l’humanité. Important aussi est le soutien que nous offrons aux organisations vouées à ces objectifs. Certaines d’entre elles aident les pauvres par des prêts, par exemple Credal, Alterfin, Oïkocrédit. L’argent qu’on leur prête rapporte évidemment moins que dans d’autres placements, à chacun de voir ce qu’il peut faire, à partir de la conscience d’être tellement privilégiés par rapport aux pauvres. Ce sens du partage et de la justice est une question de véritable humanisme, et il est évident que le message du Christ y pousse fortement.

N’oublions pas non plus l’importance de l’information et de la réflexion en vue du changement des mentalités. Prenons le temps de signer des appels, des pétitions, d’écrire à des personnalités, des partis, des médias, et sur les réseaux sociaux. Diffusons ces messages autant que possible, c’est ainsi qu’on peut espérer changer les choses, et au moins empêcher qu’elles se dégradent.

Merci si vous m’avez lu jusqu’ici, n’hésitez pas à m’écrire, voire à vous désinscrire. Et encore tous mes vœux pour une année 2022 meilleure que les deux précédentes !

Philippe de Briey

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[1]  Le journal « Dimanche » du 19/9/2021 contient un article sur la dette de pays du Sud qui est assez effrayante : « Pour certains pays africains, plus de 40% de leur budget sont consacrés au remboursement de la dette au lieu de servir à financer des dépenses publiques essentielles comme l’éducation ou la santé » ! …

Des créanciers privés détiennent jusqu’à 60% de la dette… avec des taux de rendement qui sont parmi les plus élevés dans le monde. Pour certaines banques en Belgique, ils sont de 8,75% en 2021… Pour l’auteur, la Belgique pourrait agir, comme elle l’a fait en 2015 contre des fonds vautours.

Selon une étude de Credit Suisse, la richesse mondiale en 2020 s’est accrue de 28.700 milliards de dollars pour atteindre 418.300 milliards de dollars, avec un énorme bond de 24% pour les ultra-fortunés. (22 juin 2021)

[2]  Comment se constitue une grosse fortune ? Une personne a reçu du sort ou de son milieu une habileté exceptionnelle, en affaires le plus souvent, ou en technologie, en sport, en chansons etc. Qu’a-t-il fait pour avoir ce don particulier ? Bien sûr il a sans doute beaucoup travaillé, mais des millions de gens ont travaillé tout autant ou même beaucoup plus dur et dans des conditions de travail qui ont souvent porté atteinte à leur santé, tout en ne recevant qu’un salaire de misère.

Pour les riches, il suffit de laisser leur  fortune s’accroître simplement avec de bons placements grâce à de bons ‘traders’. Ils ont à leur service une armée de banquiers, conseillers financiers, avocats, et un carnet de bonnes adresses de personnes de leur bord pour les aider.

[3]  Durant l’Avent a été évoquée dans les églises la figure impressionnante de Jean-Baptiste, que Jésus avait qualifié de « plus grand des prophètes ». Il disait notamment : « Que celui qui a deux vêtements partage avec celui qui n’en a pas, et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! » (Luc , 3, 10). Phrase tellement interpellante ! 

On trouve dans les évangiles d’autres passages tout aussi décapants, comme la parabole du riche et de Lazare : ce dernier « aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche, mais c’étaient plutôt les chiens qui venaient lécher ses ulcères » … (Luc, 16, 19-31). Quant à l’apôtre Jacques, il allait jusqu’au fond de la question : « Si un frère ou une sœur n’ont rien à se mettre et pas de quoi manger tous les jours et que vous ne leur donnez pas de quoi subsister, à quoi bon votre foi ? Elle est morte ! ».  Ces messages très radicaux me semblent trop peu mis en valeur dans les églises. Peur de déranger et d’être vus comme « extrémistes » ou « gauchistes » ?