« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )

Dérèglement climatique : quelles leçons tirer ?

16, Sep 2021 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Articles personnels,Environnement,Spiritualité     No Comments

On est presque tous d’accord maintenant sur l’urgence de régler cette question. Mais de là à faire les pas concrets qui s’imposent ?… Même les politiques restent timides dans leurs mesures, ils ont très peur de perdre une partie de leurs électeurs. C’est que ces mesures nécessaires restent encore trop impopulaires pour la majorité.

Arrêtons de faire l’autruche : inondations et incendies de plus en plus graves. Et pas d’espoir que cela puisse s’atténuer, car notre humanité toujours plus nombreuse et avide de confort a trop tardé à prendre et à accepter les mesures drastiques qui auraient dû être prises … Greta Thunberg n’avait-elle pas raison de manifester sa colère à l’ONU ? Car, malgré les avertissements des climatologues, la plupart des dirigeants et des citoyens sont restés relativement impassibles, sans changer vraiment leur mode de vie et ses facilités, voyages lointains, croisières magnifiques, voitures et maisons toujours plus grandes et confortables, etc.

Les scientifiques nous avertissent : les inondations seront de plus en plus fréquentes et fortes. De même, les incendies de forêts, sans parler de la disparition quotidienne de nombreuses espèces animales et végétales. On assiste à des phénomènes en cascade qui accélèrent le dérèglement climatique, de sorte que les prévisions formulées il y a quelques années pour 2040, on les envisage maintenant pour 2030 ! Exemples de cercles vicieux : le dégel du permafrost libère des gaz qui aggravent l’effet de serre encore dix fois plus que le gaz carbonique (et il peut aussi libérer des virus…). De même la généralisation de l’airco dans les maisons ou les voitures. Quant aux incendies de forêts que la sécheresse rend de plus en plus incontrôlables, ils accroissent l’effet de serre et ce sont autant de « puits de carbone » en moins sur la planète.

Une autre conséquence prévisible de la crise climatique – qui a déjà commencé – c’est le déplacement massif de millions de personnes, suite aux inondations, sècheresses, famines, qui sont par ailleurs sources de conflits et de guerres. 

Comment est-il possible que nos dirigeants des pays riches qui sont de loin les plus grands consommateurs et pollueurs de la planète soient si lents à prendre les mesures drastiques qui s’imposent ? Voilà une question essentielle à se poser.

Que faire ?

La première chose à faire n’est-elle pas de prendre une conscience plus vive que plus de la moitié de nos semblables, si nous ne changeons pas profondément la situation, ne pourront pas faire face à toutes les catastrophes et que cela entraînera fatalement des invasions sans commune mesure avec les déplacements actuels de populations.

De telles perspectives interpellent fortement la conscience morale et donc aussi les spiritualités, religieuses ou non. Celles-ci se doivent de les affronter par des paroles courageuses et des actes concrets susceptibles de secouer les consciences. Les chrétiens notamment (et leurs pasteurs à tous les niveaux) devraient certainement collaborer avec tous ceux et celles qui refusent la passivité et sont des lanceurs d’alertes, d’idées et de manières de vie nouvelles. Car, s’il y a un texte qui interpelle aujourd’hui, c’est bien l’Évangile : s’il promeut, bien sûr, le respect et l’amour de la création et de toutes les créatures de Dieu, il est aussi très radical dans ses invectives contre ceux qui accumulent l’argent et les richesses de toutes sortes, au lieu de les partager… Une telle radicalité ne plaira pas à tout le monde. Même les appels vigoureux du pape François dans « Laudato Si » sont-ils suffisamment relayés et débouchent-ils assez sur des initiatives et des prises de position courageuses ? (*)

On n’ose pas assez relever la profonde incompatibilité entre la « transition » écologique qu’on recommande et le système économique mondial qui permet aux sociétés et aux individus les plus riches de gagner de plus en plus d’argent grâce aux spéculations boursières auxquelles la plupart des gens n’ont pas accès. Le plus souvent, c’est la recherche du profit maximal qui l’emporte sur le souci du bien commun, comme on l’a vu par exemple dans le refus de suspendre le monopole des vaccins covid et donc de permettre à tous les labos du monde d’en fabriquer assez pour tous les pays.

Une autre mission essentielle des acteurs culturels et des religions devrait être de promouvoir le dialogue entre tous les pays : car la crise climatique exige de mettre fin à la compétition des uns contre les autres et à la course à la consommation par la publicité (d’ailleurs encouragée par le Fisc et par les médias…). Cette course est le grand obstacle à l’émergence urgente d’un sentiment universel de faire partie d’une seule communauté d’humains qui, tout en étant différents dans leurs idées et croyances, sont profondément semblables dans leur besoin de justice et de bonheur. La crise écologique exigera, plus que tout, l’union de toutes les religions et spiritualités pour sauver des millions de personnes des pires détresses de l’histoire.

Philippe de Briey

(ceci est une version un peu remaniée d’un article paru dans le journal « Dimanche » n° 32 du 19-9-2021, p. 20.)

(*) Saluons cependant l’excellente initiative de « Rivespérance » qui aura lieu cette année à Louvain-la-Neuve et qui sera un méga « forum pluraliste rassemblant citoyens, mouvements et associations pour réfléchir, dialoguer et construire une société humaine et solidaire », ceci sous le thème général « Choisir la transition ». Détails sur ce forum des 8 et 9 octobre 2021 sur https://www.rivesperance.be/