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Guillaume Néry : la grande leçon des espaces sous-marins

21, Juil 2022 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Environnement,Spiritualité     No Comments

« Je n’aime pas les faux espoirs portés par une écologie facile et grand public »

Guillaume Néry s’insurge contre la tendance à faire de l’écologie une affaire de changements d’ordre technique. Par exemple, des groupes industriels vont promouvoir des recherches de métaux rares dans les océans (ou sur d’autres planètes) pour alimenter les batteries nécessaires aux voitures électriques… On est prisonnier, pense-t-il, d’une manière de penser et de vivre qui nous mène au désastre, environnemental, mais aussi spirituel.  (NDR)

Interview par Véronique Durand

Publié le 20/07/2022 à 07h43 I Mis à jour le 20/07/2022 à 07h43

Guillaume Néry tutoie les profondeurs des océans depuis l’âge de 14 ans. Apnéiste français deux fois champion du monde en poids constant, sa discipline (descente et remontée avec des palmes), il est témoin de leurs richesses englouties, allant des barrières de corail aux animaux marins avec lesquels il nage librement, cachalots, requins-marteaux, calamars…

Grâce à des films artistiques réalisés par Julie Gautier, son ancienne compagne et mère de leur fille, il a entraîné des milliers de personnes à la découverte de quelques-uns des trésors cachés des océans en traversant des paysages encore jamais vus, donnant du rêve et de l’émotion. Ces films examinent aussi le rapport de l’homme à cet environnement sous l’angle de la pollution au plastique qui gagne les côtes et les fonds marins, de l’accélération de l’exploitation des ressources par l’être humain. Entre la fascination pour la vie dans les fonds marins (dont seulement 15 % sont cartographiés) et les craintes de briser l’équilibre de la microbiologie marine déjà très exposée à la pollution et à l’acidification, où se situer ? Sommes-nous déjà allés trop loin ?

Voici 2 extraits :

Cette fascination est aussi celle de sociétés qui ont compris leur intérêt à aller explorer les ressources méconnues de nos océans. Faut-il empêcher ce mouvement ?

L’humanité est entrée dans une course folle qui n’est absolument pas durable et dans laquelle l’homme occidental se retrouve totalement prisonnier d’un système. Toute société se construit sur la base d’un récit, la nôtre repose sur une dichotomie entre la culture, d’un côté, et la nature, de l’autre. On a développé un rapport de sujet à objet et non pas de sujet à sujet.

Il existe pourtant d’autres écritures du monde, avec d’autres croyances, et un autre rapport avec l’environnement. Comme chez des tribus d’Indiens en Amazonie étudiées par les anthropologues. Dans leur spiritualité animiste, chaque forme de vie est considérée comme égale à la nôtre. Alors que notre récit occidental place l’homme comme une espèce différente et supérieure à la nature et au vivant.

Cette séparation entre l’homme et la nature est, selon moi, la base des dérives qui existent aujourd’hui. L’anthropologue Alessandro Pignocchi propose une autre écriture du monde dans sa bande dessinée Petit traité d’écologie sauvage (Steinkis) ; sa réflexion est perturbante.

Que peut nous enseigner l’océan pour mieux vivre demain ?

L’idée de s’inspirer de la nature, comme on l’a toujours fait, et de ce qui existe est intéressante. La nature est une source d’inspiration colossale, mais il faut qu’elle reste inspirante. Si c’est pour mieux exploiter la nature et la dominer, c’est le serpent qui se mord la queue !

Concernant l’exploitation des fonds marins et des hydrocarbures, on a signé des moratoires pour empêcher et réguler des prospections qui allèchent les grands groupes, prêts à aller toujours plus loin et plus profondément. Les profondeurs des océans restaient encore un endroit inviolé. S’il n’y a pas des mesures phares de protection, on va briser une nouvelle frontière et il n’existera plus un seul espace vierge où le vivant pourra être tranquille.

Pouvoir mettre ça de côté et considérer que c’est secondaire parce que c’est loin, alors que c’est une limite de plus qui est franchie, tout ça pour continuer à développer des technologies toujours plus destructrices au final.

On en revient au pourquoi : pourquoi avons-nous besoin des ressources autonomes ou que la terre entière soit connectée, avec des satellites envoyés partout dans le ciel ? Ça me met en colère. C’est une folie. S’il y a un espoir d’arrêter cette folie, par un sommet comme Lisbonne, avec des ONG mobilisées sur place alors il faut y aller.

Je soutiens l’ONG Sea Shepherd. Vouée à la protection des écosystèmes marins, elle est très active dans la régulation de la pêche industrielle. Les ONG sont là pour faire entendre la parole de certains pays et faire en sorte que les déclarations ne soient pas seulement du marketing. Elles vont voir sur place ce qui se décide, et mettent tout à plat.

De toutes les dérives, quelle est la plus à craindre ?

En participant au sommet de Brest en février 2022, j’ai pu faire entendre ma voix. Le plastique, l’acidification, la pêche industrielle, ce sont des catastrophes. Selon moi, la priorité des priorités, c’est de lutter contre la disparition du vivant.

Source:  https://www.lavie.fr/actualite/ecologie/guillaume-nery-je-naime-pas-les-faux-espoirs-portes-par-une-ecologie-facile-et-grand-public-83348.php