« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )
07, Août 2016 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Actualités Islam Coran, Haine, islamisme, Moyen-Orient, non-violence, Syrie, théologie No Comments
Texte vigoureux pour sauver en quelque sorte le Coran de ses versets intolérants et violents grâce à la distinction fondamentale entre le Message spirituel et les versets de type historique, afin d’échapper à la violence que contiennent certains versets s’ils sont pris à la lettre comme représentant la volonté de Dieu pour tous les temps.
Article • Publié sur Souria Houria le 1 avril 2016 et traduit de l’arabe par Marcel Charbonnier
Muhammad Shahrour1 (arabe : محمد شحرور), né en 1938 à Damas, professeur de génie civil à l’université de Damas, est un islamologue et un des principaux exégètes contemporains du Coran2.
Muhammad Shahrour suit la logique de la contextualisation jusqu’au bout : ne se contentant pas des petites contextualisations situant tel passage du Coran en rapport avec tel événement, telle bataille par exemple, il insiste pour qu’on distingue clairement ce qui relève de l’histoire des premiers musulmans dans l’Arabie du 7e siècle et ce qui relève du message spirituel, qui, lui, est valable pour tous les temps. Pour lui, des pans entiers du droit musulman (le Fiqh) élaboré dans les premiers siècles ne conviennent absolument plus aujourd’hui, car ils divisent la société humaine en purs (les croyants) et impurs (les infidèles). Ces derniers sont à combattre, y compris par la violence si nécessaire, afin d’établir la société pure régie par la sharia. C’est là, insiste Shahrour, que gît une des semences (car il y en a d’autres) de la haine et des guerres intestines ou extérieures auxquelles on assiste aujourd’hui au niveau mondial et dont les populations musulmanes sont les premières victimes.
Quelques extraits
« nous devons cesser de nous enfoncer la tête dans le sable, reconnaître que l’Islam dont nous avons hérité comporte des ferments de haine et de tueries, et qu’Al-Qaeda, Daesh et autres organisations islamistes extrémistes ne cesseront jamais de s’engendrer mutuellement encore durant des siècles parce que leurs sources et leurs références, ce sont les mêmes ouvrages fondamentaux que l’on enseigne dans nos écoles religieuses, dans nos instituts juridiques en dépit de l’évolution extraordinaire des instruments de la connaissance humaine. (…)
Pire, nous avons enterré vif et nous continuons aujourd’hui à enterrer vif tout appel à reconsidérer la jurisprudence musulmane (fiqh) dont nous avons hérité, à lire l’Islam selon une vision contemporaine des choses (…) Les juristes et les cheikhs ont galvaudé le Livre saint (= le Coran) et ils ne se sont pas donné la peine de l’étudier et de s’en inspirer librement. Quelqu’un a-t-il séparé les versets « semblables » des versets « parfaits » visés dans ce propos de Dieu (qu’Il soit exalté) (…) Si le combat (jihad) dans la voie de Dieu consiste à leurs yeux à massacrer les infidèles, pourquoi nous étonner des exactions de Daesh et autres extrémistes fanatiques ? (…)
le message universel apporté par Mahomet, valable pour tous les temps et pour tout lieu, ne comporte pas les événements de l’époque où celui-ci a vécu (…) la plupart des versets qui composent son discours commençant par « ô vous qui croyez » s’adressent à ceux qui ont cru de son temps, de son vivant, et non à ceux qui ont vécu au cours des siècles après lui. Quant aux versets où il est question de combats et de guerre, nous devons les comprendre dans le contexte de leurs circonstances et dans leur contexte historique exclusivement. (…) Quant aux versets de combat, en tant qu’ils sont superfétatoires à la révélation, ils sont spécifiques à des situations de légitime défense contre des agressions extérieures (…) ».
En conclusion :
« Faites retour, ô vous, les musulmans, au Livre de Dieu et lisez-le avec les yeux de notre époque. Sortez de la chape des exégèses héritées, et tirez les leçons de ce verset :
« Si tu tends la main afin de me tuer, moi je ne tendrai pas la mienne afin de te tuer, car je crains Dieu, le Seigneur de ce bas-monde et de l’au-delà » (sourate de la Table, verset 28).
Et faites le distinguo entre le message divin, avec ce qu’il comporte en fait de valeurs humaines, et ce qui n’est rien d’autre que l’histoire (sanglante) de la Péninsule arabique ! »
Note 2 : La célébrité de Shahrur vient de l’ouvrage qu’il publia en 1990, intitulé Le Livre et le Coran, dans lequel il tenta une nouvelle lecture du Coran à travers une analyse originale de la langue arabe employée au début du VIIe siècle. Il y qualifia de non-scientifique l’ensemble de l’exégèse coranique traditionnelle4. Ce qui suscita une vaste polémique durant toutes les années 1990 durant lesquelles plusieurs ouvrages furent publiés pour critiquer ou défendre les thèses défendues par Mohamed Shahrour. (source : wikipedia)
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