« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )
28, Nov 2019 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Actualités chrétiennes,Actualités Islam,Dialogue,Uncategorized No Comments
NDR : Il vaut la peine de revenir sur cette question qui ne cesse de diviser inutilement les citoyens, surtout en France.
Le président de la Conférence a déploré, le 10 novembre, les « crispations autour des foulards portés par des femmes musulmanes », jugeant que « les polémiques sur ce thème favorisent les replis des citoyens, chacun sur sa communauté d’origine plus ou moins identifiée ».
A ses yeux, « le point est délicat car nos concitoyens (dans leur ensemble, ndlr) sont sensibles sur ce sujet. Ils craignent les faits de radicalisation, et nous savons qu’ils ne manquent pas.
Il faut cependant reconnaître que nombre de nos concitoyens d’origine nord-africaine ou sub-sahélienne ont quelques raisons de ne pas faire entière confiance à notre fraternité française» alors que « beaucoup sont désireux de trouver leur place dans notre société française », estime l’évêque de Reims, Eric de Moulins-Beaufort .
« Notre société française et européenne est une société du vis-à-vis, où chacun voit le visage de l’autre et laisse voir le sien » mais « la différence est grande entre un voile qui cache le visage en tout ou partie et un foulard qui l’encadre», a-t-il déclaré.
« Il vaudrait la peine de savoir ce que les
femmes qui choisissent de porter un foulard ont en tête, plutôt que leur prêter
des intentions », a-t-il poursuivi.
Eric de Moulins-Beaufort a prôné le dialogue entre chrétiens et musulmans,
souhaitant «davantage de rencontres entre des familles musulmanes et des
familles chrétiennes ».
Le Conseil Régional de Bourgogne
Franche-Comté a été le théâtre d’une nouvelle polémique autour du voile dont
l’onde de choc a été amplifié par les réseaux sociaux. L’image d’un enfant en
larmes dans les bras d’une maman suite à la prise de parole objectivement
haineuse d’un élu du Rassemblement national a, pour la énième fois, mis en
évidence les crispations autour du voile ou foulard dit « islamique ».
Il nous apparaît clairement que cette question devient très irrationnelle et
problématique dans la mesure où elle produit des réactions en chaîne qui
exacerbent les oppositions et alimentent les incompréhensions.
Il convient pour comprendre cette situation d’objectiver la relation au voile,
qui devient quasi explosive du fait des représentations qu’il peut véhiculer.
En effet ce n’est pas le voile qui, matériellement, est source de gêne en
réalité, mais les représentions qu’en font les uns et les autres. Il s’agit d’imaginaires, de perceptions, de
mondes qui entrent en confrontation.
Annonçons les choses clairement : cette question n’a pas d’issue car il s’agit de représentations irrémédiablement opposées ou du moins inconciliables. Après avoir dit cela, il s’agira de trouver un compromis pour sortir de cet enlisement qui empêche les citoyens français de penser et de vivre leurs différences dans un Etat-nation.
Que signifie le voile pour les musulmans et que représente-t-il pour les non musulmans ?
Pour répondre à cette interrogation, il nous faut aller au-delà de la simple question du voile pour nous intéresser à la relation au corps, à son habillage et à la question de la nudité (non intégrale). Il n’est pas possible de comprendre les crispations autour du voile si nous ne déconstruisons pas par l’histoire et la psychologie sociale, les impensés qu’il recouvre.
(…) Il faut aussi comprendre que cette « hystérisation » est la conséquence de deux perceptions opposées que la société, pour pas dire les hommes, porte sur la femme et son corps : soit il s’agit d’un être qui doit se laisser séduire, soit d’un être désirable et tentateur qu’il faut empêcher de nuire.
(…) Dans l’ethos islamique et oriental où le rapport au corps est différent et où la pudeur prend une autre forme, le voile n’est pas perçu comme un vêtement anachronique et rétrograde. Au contraire, il s’inscrit dans une culture où les désirs et les passions individuels doivent s’effacer devant les règles collectives garantes de la cohésion sociale. Le voile, qui n’est qu’un élément de la pudeur, est un signifiant puisqu’il donne la primauté aux êtres face au corps et à la chair, freinant les désirs et les pulsions. Il ne s’agit pas ici de discuter de la pertinence du voile comme élément de pudeur mais d’en comprendre le sens dans un environnement culturel donné.
(…) sont vécues comme impudiques les manifestations publiques de caractéristiques corporelles ou émotionnelles qui éveillent chez autrui des affects (excitation ou compassion, dégoût ou rejet)…, de sorte que ce qui est normal pour les uns est scandaleux pour les autres, et que ce qui est considéré par ceux-ci comme une saine défense de la tradition est perçu par ceux-là comme une hypocrisie, au pis comme une inacceptable discrimination sexiste.»
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Djilali Elabed est enseignant en sciences économiques et sociales.
Texte complet sur https://www.saphirnews.com/Le-voile-ou-le-choc-des-representations_a26714.html
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