« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )
13, Avr 2017 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Actualités Islam,Dialogue,terrorisme dialogue islamo-chrétien, Egypte, paix No Comments
Extraits du discours prononcé par le Cheikh d’al-Azhar, Ahmad al-Tayyeb, à la conférence sur « Liberté, citoyenneté, diversité, intégration » qui s’est tenue à al-Azhar du 28 février au 1er mars 2017. Texte signalé par Eglise-wallonie.
» […] Cette conférence […] se tient dans des circonstances exceptionnelles, et à une époque particulièrement difficile pour le Moyen-Orient et pour le monde entier, après que le feu de la guerre a été allumé dans notre monde arabe et islamique, sans motifs raisonnables et sans aucune justification logique et acceptable pour un homme du XXIè siècle.
La manière dont est décrite la religion dans ce cadre de désolation est surprenante, voire triste et douloureuse : comme si la religion était l’étincelle qui a allumé cette guerre. On remplit les esprits des personnes avec l’idée que l’Islam est l’instrument de destruction qui a abattu les Tours jumelles, fait exploser le Bataclan et les stations de métro, et dont les enseignements ont servi de base pour écraser des corps d’innocents à Nice et dans d’autres villes d’Occident et d’Orient. Dans ce cadre dramatique, terrifiant et qui ne cesse de grandir et de s’assombrir, ce qui nous attriste, c’est la montée de l’extrémisme et la réduction de l’espace d’une compréhension correcte de la vérité de la religion et des religions célestes (Islam, Christianisme et Judaïsme, NdlR) et du sens des messages des prophètes. Ceux-ci contrastent de façon retentissante avec toutes les interprétations erronées qui font dévier la religion de son chemin et qui provoquent une appropriation indue des textes sacrés, […] comme si ces textes sacrés étaient une arme de location pour ceux qui sont prêts à payer le prix exigé par les trafiquants de guerre, des marchands d’armes et des théoriciens des philosophies néocolonialistes. […]
Je crois que vous êtes d’accord avec moi sur le fait que face à des défis si brutaux, innocenter les religions du terrorisme n’est plus suffisant. Nous devons prendre l’initiative et faire un pas supplémentaire, en amenant les principes et l’éthique des religions dans cette réalité tumultueuse. Ce pas demande – de mon point de vue personnel – des actions préliminaires, à partir de l’aplanissement des tensions et des contrastes qui demeurent encore entre les responsables des différentes religions, et qui, aujourd’hui, n’ont plus de raison d’être. Si la paix n’existe pas entre ceux qui prêchent la religion, il est impossible qu’ils parviennent à la transmettre. En effet, ceux qui ne possèdent pas une chose ne peuvent la transmettre aux autres ! Cette étape pourra se réaliser uniquement par la connaissance réciproque, qui implique la coopération et l’intégration et représente une exigence religieuse de première importance. C’est sur cela que l’Islam attire notre attention dans les versets coraniques que musulmans et chrétiens connaissent bien, grâce aux nombreuses fois où ils ont été cités lors de nos rencontres : « Ô vous les hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle. Nous vous avons constitués en peuples et en tribus pour que vous vous connaissiez entre vous. Le plus noble d’entre vous, auprès de Dieu, est le plus pieux d’entre vous – Dieu est celui qui sait et qui est bien informé » (Cor 49,13). De la même manière, il attire notre attention à un droit originel dont Dieu a doté l’homme : un droit qui concerne la liberté et la libération des contraintes et spécialement le droit à la liberté religieuse, de croyance et de confession : « Pas de contrainte en religion » (2,256) ; « Si ton Seigneur l’avait voulu, tous les habitants de la terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les hommes à être croyants ? » (10,99) ; « Et tu n’es pas chargé de les surveiller » (88,22) ; «Tu es seulement chargé de transmettre le message prophétique » (42,48).
Dans le texte que le Prophète – que la prière et la paix soient sur lui – adressa aux gens du Yémen figure la clause suivante : « Ceux qui, parmi les juifs ou les chrétiens, haïront l’Islam, ne seront pas obligés de changer de religion ». Ces textes religieux et d’autres encore fondent le droit à la liberté et à la libération. Lorsque al-Azhar invite à remplacer le terme « minorité » ou « minorités » par le concept de citoyenneté, il renvoie à un principe constitutionnel appliqué par le Prophète de l’Islam – que la prière et la paix soient sur lui – à la première société musulmane de l’histoire, l’État de Médine, au moment où il établit l’égalité entre les musulmans, qu’ils soient muhājirūn (ceux qui avaient émigré avec lui de la Mecque, NdlR) ou ansār (les auxiliaires, ceux qui à Médine accueillirent ses prêches, NdlR) et avec les juifs de chaque tribu, en les considérant comme des citoyens avec des droits et des devoirs égaux. La tradition islamique a conservé à ce propos un document, écrit sous la forme d’une Constitution, inconnue des systèmes précédant l’Islam. […] »
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