« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )
18, Avr 2015 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Actualités Islam,Spiritualité Daesh, foi, soufisme, spiritualité No Comments
Propos recueillis par Joan Tilouine (extraits)
Le Monde.fr Le 04.03.2015 à 12h51 • http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/03/04/le-soufisme-un-rempart-a-la-barbarie-des-extremistes_4587212_3212.html
Faouzi Skali est un chercheur qui conjugue ses travaux universitaires avec sa quête spirituelle. Docteur en anthropologie et sciences des religions, il est l’un des plus grands spécialistes du soufisme, tradition ésotérique de l’islam. Auteur entre autres de Jésus dans la tradition soufie (Albin Michel, 2013), il est lui-même adepte d’une confrérie, la Butchichya. Il a fondé et dirigé pendant vingt ans le célèbre festival des musiques sacrées dans sa ville natale de Fès. Depuis 2007, il préside un autre festival, celui de la culture soufie, dont la 9e édition se déroule du 18 au 25 avril à Fès.
À travers votre festival, vous défendez le soufisme. Est-il en péril ?
Dans l’ensemble du monde musulman, de l’Asie à l’Afrique, la culture soufie est très largement majoritaire. Pourtant, son patrimoine spirituel, artistique et littéraire demeure souvent absent de la vie publique. « L’islam dans sa dimension spirituelle et culturelle, nous en entendons finalement peu parler. C’est pourtant le quotidien de centaines de millions de personnes »
Les tragiques événements récents, commis par des individus qui se revendiquent d’une idéologie wahhabite et d’une conception réductrice et extrémiste de la religion, monopolisent l’attention de l’opinion publique. Les musulmans eux-mêmes ne se reconnaissent pas dans cet islam. (…) Il me semble donc que le soufisme a besoin d’être soutenu, expliqué, débattu, pour faire valoir sa réalité dans le quotidien.
La spiritualité peut-elle faire face aux pulsions destructrices ?
(…) Il me semble crucial de réveiller cette tradition de l’islam spirituel qui est le quotidien de centaines de millions de personnes. En témoigne par exemple la tradition soufie populaire, les rites du samâ (danse rituelle), les chants et les musiques. Ou encore la diffusion des œuvres du mystique persan Djalâl ad-Dîn Rûmî, du penseur Ibn Arabi, de l’émir Abdel Kader et de beaucoup d’autres. C’est loin d’être marginal. Mais si beaucoup connaissent Ibn Arabi, combien le lisent vraiment ?
(…)Pour simplifier : de la même manière que l’Arabie saoudite est exportatrice du wahhabisme, le Maroc, qui est imbibé de soufisme, a vocation à contribuer à son rayonnement en Afrique. Toutefois, les Marocains ne sont eux-mêmes pas épargnés par la pénétration d’autres courants islamiques et ils ont eux aussi besoin de repères. (…)
« Je pense et je veux croire qu’il y a un besoin de spiritualité chez les jeunes dont une partie est détournée par des groupes extrémistes. Il nous faut donc faire rempart, par la spiritualité » (…)
Comment contrer le prosélytisme de groupes islamistes radicaux qui maîtrisent les moyens de communication modernes ?
Les islamistes radicaux sont au fond très matérialistes parce qu’ils proposent une consommation de l’extrémisme. Ils font du business, s’accaparent du pouvoir politique et économique au nom de la religion dont ils n’extraient que l’aspect matérialiste. Le djihadisme est le fils monstrueux de l’ultra-libéralisme.
Je pense et je veux croire qu’il y a un besoin de spiritualité chez les jeunes dont une partie est détournée par ces groupes. Un jeune qui ressent un besoin de quête spirituelle peut être embrigadé. Il nous faut donc faire rempart par la spiritualité.
Quid de l’instrumentalisation politique du soufisme par les Etats ?
Au Maroc, le roi Mohammed VI reconnaît et soutient le soufisme comme pilier de l’histoire du pays. En Algérie pendant longtemps, les autorités ont fait reculer le soufisme et le patrimoine de la pensée de l’émir Abdelkadder était presque ignoré. Aujourd’hui, le soufisme y est revalorisé. Est-ce une instrumentalisation ? En Tunisie aussi, le soufisme a été mis à mal mais on constate désormais un regain d’intérêt de la part des autorités. Défendre un patrimoine culturel soufi est une urgence qui échappe à des velléités d’instrumentalisation politique. Au fond, c’est une guerre culturelle.
Joan Tilouine
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