« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )

Les questions des jeunes sur l’islam (Hicham Abdelgawad)

01, Sep 2016 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Foi musulmane     , , ,   No Comments

Ce professeur de religion islamique a évité le piège du radicalisme religieux: voici son parcours incroyable (vidéos).

L’approche scientifique est la piste principale pour faire de la prévention et combattre le radicalisme chez les jeunes, estime Hicham Abdel Gawad, l’auteur du livre « Les questions que se posent les jeunes sur l’islam ».

L’ouvrage est basé sur son histoire personnelle, et notamment sur les questions d’élèves auxquelles ce professeur de religion islamique a été amené à répondre depuis six ans. Notre journaliste Christophe Giltay a réalisé son interview publié le 31 août 2016 à 19h03  sur RTL Info (avec vidéos)

Français arrivé en Belgique en 2006, Hicham Abdel Gawd, 30 ans, est diplômé en sciences des religions à l’ULB et l’UCL. La première partie du livre revient sur son parcours. Après avoir découvert le Coran à 16 ans, ce qui l’a amené à se poser des questions, il est tombé dans le fondamentalisme après avoir poussé les portes d’une libraire islamique, « où neuf fois sur dix on tombe sur des bouquins salafistes ». Il s’en sortira à 22 ans, grâce à de « bonnes rencontres » et à la « familiarisation avec une approche scientifique » de la religion, explique-t-il à notre journaliste Christophe Giltay, qui l’a rencontré

Enseignant pendant cinq ans à Forest, il constate dans son travail que la théologie « ne répond pas » aux questions des jeunes musulmans. « Ces questions, dont certaines peuvent paraître naïves – Comment Jonas faisait pour respirer à l’intérieur d’une baleine?, Comment prouver à quelqu’un que Dieu existe? -, sont généralement très rationnelles, et beaucoup de jeunes ne disposent pas d’endroit où ils pourraient obtenir une réponse satisfaisante. A la mosquée par exemple, il y a des questions interdites« , détaille l’auteur. « Ils sont cependant prêts à comprendre, si on leur explique la mécanique« , que les histoires racontées dans les hadiths « ne sont pas des faits, mais des mises en scène idéologiques« .

Hicham Abdel Gawd estime ce questionnement « rassurant« . « Il pousse la théologie dans ses retranchements et oblige les penseurs musulmans à faire de la science, alors qu’il y a chez nombre d’entre eux une frilosité en la matière, surtout en ce qui concerne le Coran. Ils ne sont pas prêts à le déconstruire scientifiquement, alors que cela pourrait pourtant régler pas mal de problèmes ».

L’enseignant dit ne pas forcément donner à ses élèves les réponses qu’ils attendent, mais il essaie, par une approche scientifique et critique, de leur montrer « les implications » de leurs interrogations, « ce qui leur permet de mieux comprendre leur questionnement, d’avoir des clés pour construire leur propre réponse ». Il tente ainsi de les aider à passer d’une religion « subie » à une « liberté dans le développement spirituel ». Apporter des réponses à ces questions est essentiel pour l’avenir des adolescents musulmans, estime l’auteur. « De nombreux jeunes grandissent dans une conception quasi mythologique de l’islam, puis tout s’effondre lorsqu’ils arrivent dans l’enseignement supérieur, où ce qu’on leur a dit est remis en question scientifiquement. Certains quittent alors l’islam, d’autres fuient l’université. D’autres encore restent, mais en étant frustrés de ne pas avoir été préparés. »

Hicham Abdel Gawd déplore l’absence d’approche critique dans le programme des cours de religion islamique. « Celui-ci a été rédigé il y a quinze ans. Un référentiel de compétences donnant une place aux sciences humaines a été réalisé il y a trois ans, mais il est incompatible avec les thèmes du programme. Cela dépend donc de chaque professeur. » Le livre donne des références aux professeurs et peut être considéré comme un outil pour le nouveau cours d’éducation à la philosophie et à la citoyenneté. Il a déjà reçu le soutien en ce sens de la plate-forme enseignons.be, se félicite son éditeur, La Boîte à Pandore.

Regardez la vidéo sur http://www.rtl.be/info/ce-professeur-de-religion-islamique-a-evite-le-piege-du-radicalisme-religieux-voici-son-parcours-incroyable-videos–847289.aspx?google_editors_picks=true

N.B. La RTBF a également interviewé M. Abdelgawad pour le JT de 19h30 du 31 août 2016. en voici le résumé:

Un professeur de religion islamique raconte son quotidien dans un livre

"Les questions que se posent les jeunes sur l'Islam" - Hicham Abdel Gawad
 © RTBF
I.L. avec Alisson Delpierre

Face à des élèves qui, parfois, prennent au mot ce qui se trouve dans le Coran, Hicham Abdel Gawad les pousse à la réflexion et tente de déconstruire leurs idées préconçues. Mais il estime que les outils dont disposent les professeurs sont insuffisants.

« Les infidèles vont-ils en enfer? »  C’est à ce genre d’interpellations que le professeur de religion islamique a dû faire face. Hicham Abdel Gawad, ancien salafiste, est depuis diplômé de l’ULB et de l’UCL. Il a passé quatre ans dans une école à discrimination positive où aucune question ne lui a été épargnée. L’une des plus fréquemment posée étant: « Dieu dans le Coran, dit qu’un homme peut frapper sa femme ? ».

Dans ce genre cas, le professeur explique qu’il cherche à sortir du débat, et à cette question précise, il préfère comparer avec ses élèves, le statut d’une femme arabe au VIIème siècle à celui d’une Belge à notre époque. « Une femme en Belgique au XXIème siècle est d’abord une adulte responsable et autonome. Dans l’Arabie du VIIème siècle une femme n’est jamais adulte « , expliquera-t-il à ses élèves.

Développer l’esprit critique

Hicham Abdel Gawad recontextualise les écrits coraniques et pousse ses élèves à développer un esprit critique. « Parfois ça fonctionne, parfois pas« , reconnait-il. Mais selon lui, les professeurs n’ont pas les outils nécessaires.

Ils doivent s’en tenir à un programme de 35 pages rédigé il y plus de quinze ans par l’exécutif des musulmans. « En tant qu’intellectuel, certaines choses me heurtent. Quand on me demande d’expliquer par exemple que le Big Bang est dans le Coran, on demande d’expliquer le miracle scientifique du Coran et je ne me vois pas faire faire ça. C’est complètement illogique du point de vue de l’histoire de la pensée « .

Trop peu d’inspecteurs

Un référentiel plus récent existe mais ne parle, lui, que de compétences. Du côté de l’inspection, on reconnait un programme inadapté même si on dit travailler à son amélioration. Mais il faut aussi faire face au manque d’effectifs. Selon Mostafa El Hassani, inspecteur de religion islamique, il ne sont que trois en Fédération Wallonie Bruxelles.  « Il est matériellement difficile d’être présent partout. Je ne connais pas la moitié des écoles, de mes zones d’inspection« , précise-t-il.

Hicham Abdel Gawad a donc décidé de développer une pédagogie propre et souligne l’urgence que les intellectuels musulmans prennent leurs responsabilités, avec comme unique but de ré envisager l’enseignement de la religion islamique pour mieux former les jeunes musulmans de demain.

source: http://www.rtbf.be/info/societe/detail_un-professeur-de-religion-islamique-raconte-son-quotidien-dans-un-livre?id=9393297