« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )
10, Nov 2018 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Actualités chrétiennes,Dialogue Chrétiens d'Orient, dialogue, dialogue islamo-chrétien, paix, Syrie No Comments
Une cérémonie d’hommage au prêtre jésuite Paolo Dall’Oglio, disparu en Syrie le 29 juillet 2013, vient de se tenir le 1er novembre à l’université St Joseph à Beyrouth. Figure fascinante du dialogue islamo-chrétien, le P. Dall’Oglio n’a plus été vu après avoir pénétré ce jour-là au quartier général de l’État islamique à Raqqa, pour défendre la cause et demander la libération de plusieurs otages du groupe jihadiste. Mais c’est moins l’énigme de sa disparition que le mystère de l’abîme entre les religions chrétienne et musulmane, qu’il tentait de franchir, qui a été au centre de la cérémonie.
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Paolo Dall’Oglio était un homme à risques, et pour lui, les risques spirituels et physiques étaient tout un. Il avait pris une première fois le risque de s’installer en Syrie. Puis il avait pris le risque d’y rentrer clandestinement, après en avoir été expulsé. Hostile à la dictature, il avait en effet libéré la parole de ceux qui s’y opposaient. Il disait : « Beaucoup de Syriens m’ont dit que quand tu parviens à surmonter la peur et à t’ouvrir à autrui, tu passes du statut d’esclave à celui de citoyen. Quand tu doutes du fait que le président est un dieu, alors qu’on te l’a enseigné depuis la maternelle, quand tu parviens à séparer la vérité de l’autorité, à distinguer l’objectivité du pouvoir, et quand, dans la rue, tu réclames la dignité, alors tu ressens un moment de vérité, de liberté et d’authenticité. Et le plus incroyable, c’est qu’ils t’arrêtent pour cela et te torturent, mais le lendemain, tu redescends dans la rue. Parce qu’ils ne peuvent plus te frapper au cœur de ta dignité retrouvée, d’homme libre. Même s’ils te frappent, la torture ne peut porter atteinte à cette dignité retrouvée. »
Son troisième grand risque physique – et tout uniment spirituel – fut sa démarche auprès de l’État islamique, une démarche où la foi dans un dialogue possible était centrale, malgré tout ce que l’on rapportait de la barbarie de cette organisation.
« Mon impression, comme “personne prudente”, sur la décision de Paolo Dall’Oglio d’aller dans la fosse aux lions (…) est qu’il a pu s’agir d’une aventure peu prudente, trop risquée, surtout pour quelqu’un de seul », devait affirmer au cours de la cérémonie Mgr Khaled Akasheh, chef de bureau pour l’islam du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux.
« Je vous rapporte toutefois le témoignage du Père Jacques Mourad, membre de sa communauté, rencontré le mois dernier à Bologne, en Italie, poursuit-il. Le Père Mourad m’a dit, à propos de cette décision, que le Père Dall’Oglio était très conscient des risques qu’il prenait, mais qu’il a senti dans son cœur un appel à aller à Raqqa, pour tenter la libération de quelques détenus. Il ne s’agirait donc pas d’une décision prise sur un coup de tête, mais d’un acte d’amour extrême. »
La vision du Père Dall’Oglio, héritée de François d’Assise, de Charles de Foucauld ou de Massignon, son courage, à l’exemple de celui d’Isaac Jogues et de Jean de Brébeuf, continueront de fasciner et de faire école. L’Esprit saint inspirera à d’autres candidats au martyre la passion du dialogue sur la ligne de fracture des religions. C’en est bien l’heure. Sous l’impulsion du pape François, l’Église s’est transformée en « une galaxie mondiale désormais, bien moins une institution et beaucoup plus un moteur d’évangélisation », devait relever Giorgio Benvenuto, président de la Fondation Bruno Buozzi, durant la cérémonie. Sur ce modèle, a-t-il ajouté, le dialogue est devenu à son tour « un précurseur important d’une valeur qui fait aujourd’hui plus que jamais défaut : la solidarité ». (…)
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