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L’interdiction belge du niqab ne viole pas les droits fondamentaux, disent les Droits de l’homme

12, Juil 2017 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Islam Belgique,radicalisme     , ,   No Comments

 

L’interdiction du niqab, telle qu’appliquée en Belgique – et particulièrement aussi dans la commune de Dison (Verviers) – ne viole pas le droit au respect de la vie privée et aux convictions religieuses, a estimé mardi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), basée à Strasbourg.

La Cour avait été saisie de deux recours distincts, par des femmes portant le niqab, un voile intégral couvrant tout le visage sauf les yeux. Elles affirmaient que la loi du 1er juin 2011 interdisant le port de tout vêtement cachant totalement le visage et le règlement de police de la commune de Dison interdisant les « tenues vestimentaire dissimulant le visage des personnes » violaient leur droit au respect de la vie privée, leur droit à la liberté de manifester sa religion et, pour l’une d’entre elles, son droit à la liberté d’expression.

La Cour ne les a pas suivies. Comme dans d’autres arrêts rendus précédemment, elle a estimé que l’interdiction des vêtements cachant le visage est proportionnée au but poursuivi, à savoir la préservation du « vivre ensemble », et qu’elle peut donc être considérée comme nécessaire dans une société démocratique.

Belga Publié le mardi 11 juillet 2017 à 10h37 – Mis à jour le mardi 11 juillet 2017 à 10h54

Si vous voulez en savoir plus, voici quelques extraits du texte même:

 

 » 20. En ce qui concerne l’objectif de sécurité publique et juridique, on peut lire ce qui suit :

« Dans la mesure où chaque personne circulant sur la voie publique ou dans les lieux publics doit être identifiable, le port de vêtement masquant totalement le visage pose d’évidents problèmes quant à la sécurité publique.

Pour interdire ce type de comportements, de nombreuses communes se sont dotées de règlements en vue d’interdire le port de tels vêtements, tout en permettant d’y déroger à l’occasion d’événements spécifiques. Toutefois, force est de constater que, dans une même ville, certaines communes ne prescrivent pas pareilles interdictions. Cette différenciation des régimes entraîne une forme d’insécurité juridique intenable pour les citoyens ainsi que pour les autorités chargées de sanctionner ce type de comportement.

Les auteurs estiment donc qu’il est souhaitable que cette question soit réglée au niveau fédéral de manière à ce que la même règle s’applique à l’ensemble du territoire (Doc. parl., Chambre, 2009-2010, DOC52-2289/001, pp.5-6, et Doc. parl., Chambre, S.E.2010, DOC 53-0219/001, pp. 5-6). »

21. Sur le point de savoir si l’interdiction du port du voile répondait à un besoin social impérieux et était proportionnée par rapport aux buts légitimes poursuivis par le législateur, la Cour constitutionnelle s’exprima comme suit :

« B.17. Il ressort de l’exposé de la proposition qui est à l’origine de la loi attaquée (…) que le législateur a entendu défendre un modèle de société qui fait prévaloir l’individu sur ses attaches philosophiques, culturelles et religieuses en vue de favoriser l’intégration de tous et faire en sorte que les citoyens partagent un patrimoine commun de valeurs fondamentales que sont le droit à la vie, le droit à la liberté de conscience, la démocratie, l’égalité de l’homme et de la femme ou encore la séparation de l’Église et de l’État.

(…) les travaux préparatoires de la loi attaquée font apparaître que trois objectifs ont été poursuivis : la sécurité publique, l’égalité entre l’homme et la femme et une certaine conception du « vivre ensemble » dans la société.

B.18. De tels objectifs sont légitimes et entrent dans la catégorie de ceux énumérés à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme que constituent le maintien de la sûreté publique, la défense de l’ordre ainsi que la protection des droits et libertés d’autrui.

B.19. La Cour doit encore examiner si les conditions de nécessité dans une société démocratique et de proportionnalité par rapport aux objectifs légitimes poursuivis sont remplies.

B.20.1. Il ressort des travaux préparatoires de la loi attaquée que l’interdiction du port d’un vêtement dissimulant le visage a notamment été dictée par des raisons de sécurité publique. À cet égard, ces travaux font état de la commission d’infractions par des personnes dont le visage était dissimulé (Doc. parl., Chambre, 2009-2010, DOC 52-2289/005, p. 8 ; Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-0219/004, p. 7).

B.20.2. L’article 34, § 1er, de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police habilite les fonctionnaires de police à contrôler l’identité de toute personne s’ils ont des motifs raisonnables de croire, en fonction de son comportement, d’indices matériels ou de circonstances de temps et de lieu, qu’elle est recherchée, qu’elle a tenté de commettre une infraction ou se prépare à la commettre, qu’elle pourrait troubler l’ordre public ou qu’elle l’a troublé. Ce contrôle d’identité pourrait être entravé si la personne concernée avait le visage dissimulé et refusait de coopérer à un tel contrôle. En outre, les personnes qui ont le visage dissimulé ne seraient en général pas ou difficilement reconnaissables si elles commettaient des infractions ou troublaient l’ordre public.

B.20.3. Ce n’est pas non plus parce qu’un comportement n’aurait pas encore pris une ampleur de nature à mettre l’ordre social ou la sécurité en péril que le législateur ne serait pas autorisé à intervenir. Il ne peut lui être reproché d’anticiper en temps utile un tel risque en réprimant des comportements lorsqu’il est établi que la généralisation de ceux-ci entraînerait un danger réel.

B.20.4. Compte tenu de ce qui précède, le législateur pouvait estimer que l’interdiction de dissimuler le visage dans les lieux accessibles au public est nécessaire pour des raisons de sécurité publique.

B.21. Le législateur a également motivé son intervention par une certaine conception du « vivre ensemble » dans une société fondée sur des valeurs fondamentales qui, à son estime, en découlent.

L’individualité de tout sujet de droit d’une société démocratique ne peut se concevoir sans que l’on puisse percevoir son visage, qui en constitue un élément fondamental. Compte tenu des valeurs essentielles qu’il entend défendre, le législateur a pu considérer que la circulation dans la sphère publique, qui concerne par essence la collectivité, de personnes dont cet élément fondamental de l’individualité n’apparaît pas, rend impossible l’établissement de rapports humains indispensables à la vie en société. Si le pluralisme et la démocratie impliquent la liberté de manifester ses convictions notamment par le port de signes religieux, l’État doit veiller aux conditions dans lesquelles ces signes sont portés et aux conséquences que le port de ces signes peut avoir. Dès lors que la dissimulation du visage a pour conséquence de priver le sujet de droit, membre de la société, de toute possibilité d’individualisation par le visage alors que cette individualisation constitue une condition fondamentale liée à son essence même, l’interdiction de porter dans les lieux accessibles au public un tel vêtement, fût-il l’expression d’une conviction religieuse, répond à un besoin social impérieux dans une société démocratique.

B.22. Quant à la dignité de la femme, ici encore, le législateur a pu considérer que les valeurs fondamentales d’une société démocratique s’opposent à ce que des femmes soient contraintes de dissimuler leur visage sous la pression de membres de leur famille ou de leur communauté et soient privées ainsi, contre leur gré, de la liberté de disposer d’elles-mêmes.

B.23. Toutefois, (…) le port du voile intégral peut correspondre à l’expression d’un choix religieux. Ce choix peut être guidé par diverses motivations aux significations symboliques multiples.

Même lorsque le port du voile intégral résulte d’un choix délibéré dans le chef de la femme, l’égalité des sexes, que le législateur considère à juste titre comme une valeur fondamentale de la société démocratique, justifie que l’État puisse s’opposer, dans la sphère publique, à la manifestation d’une conviction religieuse par un comportement non conciliable avec ce principe d’égalité entre l’homme et la femme. Comme la Cour l’a relevé en B.21, le port d’un voile intégral dissimulant le visage prive, en effet, la femme, seule destinataire de ce prescrit, d’un élément fondamental de son individualité, indispensable à la vie en société et à l’établissement de liens sociaux.

B.24. La Cour doit encore examiner si le recours à une sanction de nature pénale en vue de garantir le respect de l’interdiction que la loi prévoit n’a pas des effets disproportionnés par rapport aux objectifs poursuivis.

(…)

B.26. Lorsque le législateur estime que certains manquements doivent faire l’objet d’une répression, il relève de son pouvoir d’appréciation de décider s’il est opportun d’opter pour des sanctions pénales sensu stricto ou pour des sanctions administratives.

B.27. Compte tenu des disparités constatées entre les communes et des divergences jurisprudentielles qui sont apparues dans cette matière, le législateur a pu considérer qu’il s’imposait d’assurer la sécurité juridique en uniformisant la sanction infligée lorsque le port d’un vêtement dissimulant le visage dans les lieux accessibles au public est constaté.

B.28. Dès lors que l’individualisation des personnes, dont le visage est un élément fondamental, constitue une condition essentielle au fonctionnement d’une société démocratique dont chaque membre est un sujet de droit, le législateur a pu considérer que dissimuler son visage pouvait mettre en péril le fonctionnement de la société ainsi conçue et devait, partant, être pénalement réprimé.

B.29.1. Sous réserve de ce qui est mentionné en B.30, en ce qu’elle s’adresse aux personnes qui, librement et volontairement, dissimulent leur visage dans les lieux accessibles au public, la mesure attaquée n’a pas d’effets disproportionnés par rapport aux objectifs poursuivis dès lors que le législateur a opté pour la sanction pénale la plus légère. La circonstance que la peine puisse être plus lourde en cas de récidive ne mène pas à une autre conclusion. Le législateur a pu, en effet, estimer que le contrevenant qui est condamné pour un comportement pénalement réprimé ne réitérera pas ce comportement, sous la menace d’une sanction plus lourde. » (…)

Source: http://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22sort%22:[%22kpdate%20Descending%22],%22documentcollectionid2%22:[%22GRANDCHAMBER%22,%22CHAMBER%22,%22COMMITTEE%22],%22itemid%22:[%22001-175139%22]}