« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )

L’islam en France, c’est qui finalement ?

24, Oct 2018 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Actualités Islam       No Comments

 

(Extraits d’une tribune de Farid Abdelkrim dans le journal La Croix)

L’islam en France, voilà un casse-tête qui n’a rien à envier à ceux des Chinois. Les tentatives de vouloir l’organiser semblent condamnées à l’échec dès lors qu’il s’agit de discuter de ce qui n’a pas été fait, ce qui ne se fait pas et ce qu’il conviendrait de faire. Quiconque oserait s’en prendre à ce chaos prétendument organisé est d’emblée mis en garde.

Le second rapport qu’a récemment publié l’Institut Montaigne sous la direction de Hakim El Karoui : « La Fabrique de l’islamisme » n’a pas échappé à la traditionnelle levée de boucliers.

La question que pose cette tribune est simple.

Elle s’intéresse, non pas à ceux qui lèvent les boucliers, mais à tous les autres. Aux fidèles eux-mêmes, dont le spectre s’étend de celui dont la pratique se limite à la consommation du halal à celui qui observe assidument les cinq piliers de l’islam. Car enfin, qui devrait décider de la popularité d’un projet d’organisation de l’islam : le commun des musulmans ou « leurs représentants » ?

Je suis, pour ma part, l’un de ces musulmans. Un fidèle pratiquant une religion qui, en l’état, ne lui parle pas. Combien sommes-nous dans mon cas ? Suffisamment pour pouvoir être en droit d’exiger que soit inventé un islam en phase avec son époque et les aspirations des musulmans français, respectueux du cadre républicain et laïque. Un islam qui n’entrave pas l’unique projet qui vaille, celui de « faire société ». (…)

Se sentant pleinement citoyens, beaucoup de musulmans ne supportent plus cette confusion insupportable entre représentation des musulmans et organisation de l’islam. Dans un pays où l’État ne reconnaît qu’une seule communauté, celle des citoyens, ces Français musulmans refusent toutes ces représentations, religieuse ou communautariste.

À propos de la « gestion » financière,

personne de suffisamment sérieux et honnête n’oserait contester le manque flagrant de transparence, principalement dans nombre de lieux de cultes où des sommes exorbitantes sont collectées, en espèces, chaque année. D’ailleurs n’est-il pas surprenant de constater le zèle avec lequel certains responsables cultuels exhortent les fidèles à ne consommer que ce qui est rigoureusement estampillé licite lorsque, dans le même temps, ils affichent un laxisme des plus déroutants dès qu’il s’agit de contrôler la provenance et la destination du moindre centime récolté ?

Le marché du halal

Quantité de fidèles n’ignorent pas ce que recouvrent les produits d’appellation halal : une marque commerciale dont la fonction est à présent purement marketing. Une chose est sûre, le halal génère des profits annuels de plusieurs milliards d’euros. Quel musulman, suffisamment sérieux et honnête, refuserait de voir prélevé un pourcentage sur cette manne afin de développer et d’améliorer l’organisation du culte ?

De même, où est la colère des fidèles face à la flambée des prix du pèlerinage à la Mecque ? Aucun musulman, suffisamment sérieux et honnête, ne s’opposerait à une révision à la baisse largement justifiée des tarifs actuellement pratiqués.

Il faut former des imams qui nous ressemblent

Enfin, il faut reconnaître qu’il existe encore dans notre pays, des dizaines de mosquées où des imams, par leurs prêches, insultent l’intelligence des croyants. D’autres salissent la France, terre de mécréance, ou déversent sciemment des discours de haine dans une langue qu’une majorité sans cesse grandissante ne comprend pas. La formation d’imams pour l’avenir doit donc être au cœur des priorités de l’organisation de l’islam. Former des imams qui ne seront plus coupés des réalités locales, qui, en français, offriront à penser l’islam, et seront animés par la vocation de servir Dieu et les hommes et non de se servir de Lui et d’eux.

Farid Abdelkrim (*), dans le journal La Croix du 23-10+2018

(*) auteur de « Pourquoi j’ai cessé d’être islamiste, Itinéraire au cœur de l’islam en France », éd. Les points sur les i., 2015