« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )
25, Mai 2018 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Actualités chrétiennes Chrétiens d'Orient, dialogue islamo-chrétien, Irak, paix, vivre ensemble No Comments
À plusieurs reprises déjà ces dernières années, son nom avait circulé parmi les possibles nouveaux cardinaux. C’est dimanche 20 mai que le pape François a finalement choisi de faire entrer le patriarche de Babylone des chaldéens, Louis Raphaël Ier Sako, au sein du collège qui sera chargé d’élire son successeur.
À 69 ans, cet Irakien est l’un des patriarches orientaux les plus en vue, inlassable promoteur du dialogue, de la justice et de la citoyenneté dans un pays en guerre depuis plus de quinze ans, dévasté par l’invasion des États-Unis puis celle de Daech à l’été 2014, et aujourd’hui encore miné par les divisions ethniques et religieuses.
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Dimanche 20 mai, le jour où le pape annonçait un nouveau consistoire, il publiait – en tant que responsable de la plus importante communauté catholique d’Irak – un communiqué en réaction aux résultats des dernières élections législatives.
Après avoir adressé ses « vœux les plus chaleureux à (ses) frères musulmans en ce mois sacré du Ramadan », il y félicite les lauréats – majoritairement partisans du leader chiite Moqtada Sadr – et les appelle à la constitution d’un « gouvernement civil, démocratique et fort (…) qui traite les gens de manière égale, (…) qui vise à l’amélioration de l’Irak à tous les niveaux ».
L’histoire de cet homme à la voix douce et aux manières affables, illustre à elle seule les douloureuses étapes de la présence chrétienne en Irak. Louis Sako est né le 4 juillet 1949 à Zakho, là où sa famille a trouvé refuge lors du génocide arménien de 1915. À la suite d’un conflit entre chrétiens et musulmans, ses parents et leurs sept enfants ont gagné Mossoul au milieu des années 1950.
Inspiré par le curé de la paroisse dans laquelle il se rendait chaque jour avec son père, Louis Sako demande à l’âge de 14 ans à entrer au petit séminaire, fermement tenu par les dominicains. Malgré son jeune âge, il suit avec passion les débats du concile Vatican II. Il est ordonné prêtre à Mossoul le 1er mai 1974, avec le désir d’être « prêtre-ouvrier », et nommé à la cathédrale de cette ville martyre.
Polyglotte – il parle le français, l’anglais, l’italien, en plus de l’arabe, de l’araméen et du soureth –, il a étudié à Rome, et notamment à l’Institut pontifical d’études arabes et d’islamologie (Pisai). Lauréat des prix Defensor fidei en 2008 et Pax Christi en 2010, il s’est progressivement engagé pour l’œcuménisme et le dialogue interreligieux.
À Kirkouk, ville située dans les territoires « disputés » entre Kurdes et Arabes dont il a été nommé archevêque en 2002, il n’a cessé de favoriser les rencontres entre Irakiens, insistant sans cesse sur ce qui les réunit, au niveau culturel notamment, pour les inciter à dépasser leurs différences.
Partisan d’une réforme liturgique, d’une plus grande implication des laïcs, Mgr Sako ne s’est pas fait que des amis dans une Église encore très cléricale et attachée à ses rites millénaires, comme à sa langue. Mais c’est lui qui a été élu patriarche de Babylone des chaldéens en 2013, par les évêques de son Église. À 64 ans, il a succédé, sous le nom de Louis Raphaël Ier Sako, au cardinal Emmanuel III Delly.
Un an plus tard, les troupes de l’État islamique déferlaient sur le Sinjar (territoire des Yézidis) et la plaine de Ninive, où vivait l’essentiel des chrétiens du pays. Les fidèles fuient Mossoul, Qaraqosh et les autres villages chrétiens en une nuit, sans avoir le temps de rien emporter.
Depuis, avec d’autres responsables chrétiens, le patriarche des chaldéens est sur tous les fronts – humanitaire, politique et spirituel – pour tenter d’enrayer la disparition des Églises chrétiennes en Irak. C’est sans doute le courage et la clairvoyance avec lesquels il agit au service de son pays et de son Église que le pape a souhaité récompenser en le créant cardinal.
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