L’écrivain Martin Gray, auteur d’ »Au nom de tous les miens » et « Le livre de la vie » a cassé la plume ce lundi 25 avril. L’équipe rédactionnelle de Ciney l’a interviewé en novembre 2013. Une très belle rencontre que vous pouvez lire sur www.doyennedeciney.be
Vous avez souvent côtoyé la mort, vous avez connu chaque fois la chance de vous en sortir.
Martin Gray: C’est surtout la force qu’on a en soi qui compte. L’homme est la plus belle création qui soit, il est rempli de richesses insoupçonnées. Après avoir perdu toute ma famille dans les horreurs de la guerre, puis ma femme et mes quatre enfants dans un incendie, je voulais donner un sens à leur mort, donner un sens à ma vie; c’est cela qui m’a permis de survivre.
Le succès de mes livres, c’est le nombre de lettres que je reçois des gens qui ont repris courage en découvrant mon histoire. Voilà pourquoi je continue à vivre. Dans la vie, il faut trouver la force de se battre. «Vivre c’est savoir pourquoi on vit.»
En chaque homme se cache un Caïn et un Abel, tel est le propos de votre dernier livre: «Au nom de tous les hommes». Chaque homme serait-il capable du pire et du meilleur?
Selon les circonstances, et mon histoire me l’a appris, chaque homme peut devenir une bête sauvage. En entrant dans Berlin, en 1945, avec l’armée russe, j’avais en moi le désir de venger les miens. Mais la vengeance est destructrice pour les autres, mais aussi pour soi. C’est un combat perpétuel de rester Abel et de ne pas devenir Caïn pour les autres. Grâce à mon père, j’étais armé pour rester Abel. Alors que l’étau se refermait sur nous dans les ruines de Varsovie en 1942, mon père m’a dit: «Mon fils, aujourd’hui nous sommes obligés de tuer pour survivre, mais sache que la vie est sacrée, ne l’oublie jamais!» Depuis, je vis toujours avec ces paroles à l’esprit.
Naissance – bonheur – mort – Dieu: qu’est-ce que ces mots évoquent pour vous?
Le bonheur, c’est d’être utile à soi et aux autres. Chaque jour m’apporte quelque chose et je m’efforce d’apporter quelque chose aux autres… et la chaîne continue: c’est cela la vie. Quant à Dieu, je m’interroge. Moi je dis que l’homme est le plus beau miracle, on ne peut le séparer de l’univers.
Je sais aussi que la mort ne peut nous séparer de l’amour de ceux qu’on a aimés et qu’il y a en nous des forces infinies. Croire en la vie, c’est croire en Dieu.
Votre plus belle rencontre?
Ma mère, ma femme: ce sont des images merveilleuses qui restent gravées en moi. Mon père a été un exemple durant toute ma vie. Mais la plus belle rencontre, c’est celle que j’ai faite avec moi-même, tel que je suis.
Propos recueillis par Jacques Massart
Texte et photo: « Grain nouveau »