« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )
23, Mar 2023 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Actualités Islam,Foi musulmane,Islam Belgique,Islamisme,terrorisme No Comments
« Je m’appelle Mohamed El Bachiri. J’étais conducteur de métro. J’habite Molenbeek. Le 22 mars 2016, mon épouse Loubna a perdu la vie dans le métro à Maelbeek alors qu’elle se rendait à l’école pour donner ses cours de sport. Mes trois garçons et moi avons été dévastés, perdus. Nous le sommes toujours aujourd’hui. Au cours de mes nuits sans sommeil, j’ai écrit « Un Jihad de l’amour ». (*) Sept ans plus tard, alors que le procès des terroristes suit son cours, j’ai repris la plume.
Il raconte:
« Enveloppé dans une couverture, incapable de me mettre debout. J’ai sans cesse essayé de la joindre sur son GSM, mais en vain.
Je n’avais que mes yeux pour pleurer et, en tête, mes trois très chers enfants, mes amours, à qui il fallait annoncer la plus terrible des nouvelles. Un torrent de larmes jaillissait de mes yeux. Je priais Dieu qu’il fasse que ce soit un horrible cauchemar et que j’allais me réveiller. Mais il n’en était rien.
Dans mon sommeil, je la voyais rentrer en pleurs. Je voulais la garder auprès de moi mais elle s’en allait les larmes aux yeux. Je me réveillais les yeux humides, comprenant que j’étais confronté à mon destin.
J’ai bel et bien perdu la femme que j’aime, mon amie, mon amour. Et je vais devoir l’annoncer à mes enfants. Cet exercice, je ne le souhaite à personne.
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Après avoir annoncé la nouvelle à des enfants qui ne comprenaient pas totalement le sens de ce que je disais (car une maman, à leurs yeux, ne pouvait disparaître de cette manière), j’ai su que je ne serais plus jamais le même.
La violence et le choc de la perte de Loubna dans une explosion nous mirent le cœur en lambeaux. Pour les enfants, leur maman était tout. La douceur incarnée, la gentillesse et le pilier de la maison.
Après la mort de Loubna, très vite, nous avons été livrés à nous-mêmes.
(Mohamed El Bachiri déplore ici le manque total d’empathie de l’école et d’un hôpital à l’égard de ses enfants, puis s’adresse aux criminels :
« J’ai vu que lorsqu’on vous a brandi le Coran en vous accusant de l’avoir insulté, vous n’avez pas apprécié ce genre de propos.
Permettez-moi de vous dire que, non seulement vous l’avez insulté, souillé, mais qu’en plus, vous avez caricaturé Dieu de la pire des manières. Vous avez créé un Dieu détestable à votre image, frustré et grand tyran. Digne des mythologies grecques. En gros, une vulgaire caricature d’un criminel sanguinaire. Que vous avez instrumentalisé.
Comme je vous plains. Comment pouvoir trouver le sommeil après avoir perpétré le massacre d’innocents ? Je pense sincèrement que vous avez été condamnés à vivre malheureux et que seul le chemin de la rédemption peut encore sauver votre âme.
La religion qui impose sa vision n’est rien d’autre qu’une secte mortifère. La religion vraie est celle qui relie tous les gens, de toutes confessions, de toutes cultures, de toutes croyances.
Ce n’est qu’avec une réelle relation de fraternité que nous allons réussir à faire de belles choses. C’est ensemble que nous y arriverons.
Les bombes ont tué, mais l’esprit et l’amour ont triomphé. Et le jihad de l’amour témoigne de la chance d’avoir deux cultures qui enrichissent l’esprit.
Car, je vous le redis, j’aime tout autant Averroès que Spinoza. Et mon islam n’est en aucun cas une barrière pour empêcher d’aimer qui que ce soit.
Longue vie à l’amour et vive notre belle et radieuse Belgique ».
(*) « Un jihad de l’amour », propos recueillis par David Van Reybrouck, éd. JC Lattès, 2017, 9 €.
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