« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )

Prier avec les musulmans : l’expérience de Christian de Chergé

07, Jan 2021 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Dialogue,Foi chrétienne,Foi musulmane     No Comments

(Ceci est un extrait de l’article de ce blog intitulé « L’hospitalité en Islam » auquel vous n’avez sans doute pas eu accès à cause d’un problème qui est actuellement résolu)

Cet extrait éclaire ce que l’ami de Christian lui signifiait probablement en lui disant: « Vous les chrétiens, vous ne savez pas prier ». A cette époque, Christian était un simple séminariste, officier dans l’armée française.

(…) Le troisième homme de foi ayant vécu l’hospitalité des musulmans que nous évoquons ici est Christian de Chergé (1937-1996) moine français de l’ordre cistercien de la stricte observance, et un des sept moines de Thibhirine pris en otage et assassinés en 1996. Ayant déjà passé une partie de son enfance en Algérie, il y revient en 1959 en tant qu’officier. Il fait la rencontre de Mohamed Benmechay garde champêtre algérien, musulman et père de famille avec qui il se lie d’amitié.  Mohamed est assassiné après avoir défendu Christian de Chergé dans une altercation dans la rue.  La vie entière de Christian de Chergé est alors bouleversée. Il décrit son amitié avec Mohamed en ces termes « Notre dialogue était celui d’une amitié paisible et confiante qui avait Dieu pour horizon, par-dessus la mêlée… il savait que j’étais séminariste, et je le voyais pratiquer prières et jeûnes avec un cœur enjoué. Cet homme illettré ne se payait pas de mots ; incapable de trahir les uns pour les autres, ses frères ou ses amis, c’est sa vie qu’il mettait en jeu malgré la charge de ses dix enfants»[11]

(…) Christian, comme Foucauld et Massignon, est marqué par la manière de prier des musulmans, par cette façon de marquer la régularité de Dieu dans le quotidien.

À ce propos, il rapporte une discussion qu’il a eu avec Mohamed : alors qu’il le savait menacé, Christian de Chergé promet à Mohamed sa prière, ce dernier lui répond « Je sais que tu prieras pour moi, mais vois, les chrétiens ne savent pas prier… ». Christian de Chergé explique plus tard « j’ai perçu cette remarque comme un reproche adressé à une Église qui ne se présentait pas alors, du moins visiblement, comme une communauté de prière. J’ai su du même coup que cette consécration devait se couler dans une prière en commun pour être vraiment témoignage d’Église et signe de la communion des saints »[13].

Priant au milieu d’autres croyants, Christian de Chergé est mué par la volonté d’instaurer un dialogue avec ses frères musulmans. (…). Cette reconnaissance mutuelle s’opère par des prières communes notamment avec les membres de la confrérie soufie dans le cadre du « Ribât-es-Sâlam » (« lien de la paix »).

N’est-ce pas alors une des dimensions de l’hospitalité la plus forte que de reconnaître à l’autre le droit de prier Dieu à ses côtés ?


[11] «Prier en Eglise à l’écoute de l’islam» dans Chemins de dialogue n°. 27, p. 17-24, paru dans la revue Tychique n°. 34, nov. 1981 vu dans l’article « Christian de Chergé, Moine de Tibhirine et lecteur du Coran » de Stéphanie Dandé, f.m.j in la  revue Vies consacrées, 85 (2013-4)

[13] Ibid.

extrait de http://www.revue-kerygme.fr/chemins-hospitalite/lhospitalite-dans-