« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )

THOMAS D’ANSEMBOURG : « Cette pandémie vient nous réveiller »

01, Fév 2021 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Compte-rendus,Documentation,Spiritualité     No Comments

Depuis longtemps, ce psychothérapeute, auteur et conférencier nous invite à oser des relations plus vraies. A présent, il nous invite à saisir la crise du Covid pour revisiter nos valeurs et nos modes de vie. Il prévient: le changement ne se fera qu’en donnant une place à la spiritualité. (*)

Il vient de tenir un entretien remarquable sur la RTBF que je vous recommande chaudement d’écouter sur https://www.rtbf.be/auvio/detail_les-sentinelles?id=2730474 (54 min.).

Vous trouverez ensuite ici des extraits de son interview paru dans le journal « Dimanche » n°2, du 10 janvier 2021)

Ces deux entretiens surviennent à l’occasion de la sortie de son 3ème livre, très interpellant pour le temps actuel, intitulé « Notre façon d’être adulte fait-elle sens et envie pour les jeunes ? » (Les éditions de l’Homme, 2020) ainsi que de la réédition, 20 ans après, du bestseller « Cessez d’être gentil, soyez vrai » (dont il existe aussi une version illustrée).

Mais d’abord, voici la présentation de cet auteur sur le site de la RTBF :

1. Entretien sur la RTBF dans l’émission « sentinelles » de Caroline Veyt

31.01.21, 54 min

Caroline Veyt reçoit Thomas d’Ansembourg. D’abord avocat, celui-ci s’est tourné vers la psychothérapie, pour se spécialiser en Communication Non Violente. Formateur certifié, il anime des séminaires sur la paix et la gestion des conflits. Ce qui l’a rendu célèbre, c’est son ouvrage Cessez d’être gentil, soyez vrai ! qui s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires et traduit en 28 langues. Thomas d’Ansembourg s’est engagé pendant près de 10 ans comme responsable-animateur d’une association qui s’occupe de jeunes en difficulté. C’est en écoutant ces jeunes qu’il a pu se rendre compte que la plupart de leurs comportements, souvent considérés comme déviants, représentent l’expression tragique de besoins fondamentaux (identité, tendresse, reconnaissance …) qui n’ont pas trouvé d’autre mode pour se dire. Formé à différentes approches psychothérapeutiques, particulièrement à la méthode du Dr Marshall Rosenberg, la Communication Non Violente, il anime des formations et donne des conférences. Il a à cœur d’aider les êtres humains à trouver des clés pour s’ouvrir à une vie plus heureuse et donc généreuse. Son dernier ouvrage est sorti en septembre. Il s’intitule Notre façon d’être adulte fait-elle sens et envie pour les jeunes ?, dans lequel il explique que c’est notre façon d’être qui est inspirante pour les jeunes et qui leur sert de modèle. Pas ce qu’on fait et encore moins ce qu’on leur dit de faire. Au cours de cet entretien, il parlera également de ce qu’il appelle l’élan de vie, du désarroi des jeunes face à l’isolement auquel ils sont confrontés en cette période de crise, de la tyrannie du bonheur. Car on sait, dans notre société, que les coups de mou, les creux de la vague sont mal acceptés socialement parlant. Il donnera sa version du citoyen de demain, de son rôle dans la société, et abordera l’apprentissage de la paix, comme dans son livre écrit en collaboration avec David Van Reybrouck au lendemain des attentats de Paris : « La Paix, ça s’apprend ! Guérir de la violence et du terrorisme », paru chez Actes Sud.

Vous trouverez cette magnifique émission sur https://www.rtbf.be/auvio/detail_les-sentinelles?id=2730474


2. Extraits de l’interview dans le journal « Dimanche »

(…) Dans vos livres, vous insistez sur une autre tension: chacun de nous aspire à vivre des relations paisibles et bienveillantes; or, si souvent, nous nous comportons comme des êtres durs et brutaux…

C’est vrai. Sur le plan matériel, les choses se déroulent pourtant différemment. Nous rêvions d’aller sur la lune, et nous y sommes allés. Nous rêvions d’un tunnel sous la Manche, et nous l’avons créé. Sur le plan du faire, nous sommes extrêmement compétents. Mais sur le plan de l’être, nous sommes un peu en retard…

Comment l’expliquez-vous?

Cela n’a manifestement pas été notre priorité! Nous avons préféré avoir des téléphones et des écrans plats – des gadgets – plutôt que d’avoir de belles relations. C’est là une inversion surprenante.

A laquelle on semble s’habituer…

En effet. Je rencontre énormément de personnes résignées qui se disent: « C’est comme ça, les gens sont agressifs, la vie n’est pas facile… » Les gens s’entretiennent dans une vie qu’ils subissent au lieu de travailler à une vie choisie et d’acquérir les compétences nécessaires. Mon travail consiste à rappeler aux personnes que des relations paisibles et fécondes, c’est possible. Mais cela ne tombe pas du ciel, cela s’apprend. Et les outils existent…

C’est donc une question de formation…

Oui, comme pour beaucoup d’apprentissages. Nous avons besoin d’apprendre la connaissance de soi et donc comment développer des clés d’introspection, de travail sur soi. C’est en menant un travail d’accompagnement de soi-même que l’on peut trouver ce qui fait sens et ce qui donne envie. Cela nécessite de prendre un temps régulier de discernement avec soi.

Dans votre livre, vous évoquez aussi l’importance de la spiritualité. Que pensez-vous de la place que notre société lui donne?

Plus aucune! Et c’est une véritable catastrophe. Nous avons évacué la spiritualité au nom d’un matérialisme à outrance qui nous dessèche complètement. Nous nous sommes épuisés à courir sans nous ressourcer. Beaucoup de nos contemporains ne savent même pas qu’ils disposent en eux d’un accès à la ressource dont nous parlent toutes les traditions – qu’on l’appelle Dieu, le Souffle, la Grâce, l’Esprit ou la Vie… C’est vraiment intéressant de constater que ces traditions nous disent toutes la même chose: ralentis, assieds-toi, fais silence, plonge à l’intérieur de toi-même, lâche tes attaches, et discerne tranquillement en puisant dans ce puits qu’est la connaissance infinie, ou l’amour infini. Il est évident que les ressources sont là, mais que notre société a tout fait pour nous en couper

Comment aider les gens à se connecter à cette source alors que notre société ne nous y encourage pas?

Je crois que nous avons tous cette disposition en nous, vu qu’elle correspond à notre vraie nature. J’ai la conscience que chaque être humain sent un appel. Mais parfois, il l’étouffe. Je me suis occupé de nombreuses personnes atteintes d’addictions – alcool, drogue, travail… J’ai pu observer chez elles un mécanisme: n’étant pas parvenues à trouver la clé du contact à la présence de l’absolu, elles compensent par autre chose. Si nous portons donc cet appel en nous, un peu d’encouragement peut nous y éveiller. Je rencontre beaucoup de gens qui ne pensaient pas revenir à la vie spirituelle, mais ont senti sa saveur à l’occasion d’une lecture, d’une conférence… Personnellement, dans mon travail, je parle de plus en plus ouvertement de la dimension spirituelle de la vie. Mais sans employer un langage religieux. Et cela touche les gens: ils sentent qu’ils peuvent appréhender cette immensité de façon très libre et très ouverte.

Votre livre prend le parti des jeunes. Que vous inspire la jeunesse d’aujourd’hui?

Je suis très touché par leur conscience, leur éveil. Dans l’histoire de l’humanité, c’est la première fois que la génération de Greta Thunberg défile si massivement dans les rues pour dire aux adultes: « S’il vous plaît, soyez responsables. Sortez de votre délire! » Jusqu’il y a peu, c’était l’inverse. Ce sont les adultes qui disaient aux jeunes: « Quittez vos rêves, soyez raisonnables et entrez dans la réalité ». C’est du jamais vu

(…)

« Je me sens plus que jamais proche du Christ »

Vous-même, où se trouvent vos racines spirituelles?

J’ai grandi dans la tradition catholique, pratiquante. J’ai toujours senti cet appel à l’au-delà du visible. J’ai pratiqué la voie religieuse jusqu’à mes 32-33 ans. Puis je m’y suis senti un peu à l’étroit et j’ai cherché d’autres façons de nourrir ma vie spirituelle.

Comment expliquez-vous cela?

Je ne trouvais pas dans la religion la cohérence espérée. J’attendais des êtres religieux qu’ils soient des êtres bousculants de joie, de confiance, d’enthousiasme, de fécondité. Or, j’ai rencontré des prêtres tristes, qui marmonnent leur messe, pas très ouverts à la différence, à l’accueil des autres pratiques. Je me suis dit: « Ce n’est pas la spiritualité qui rassemble, c’est de la division ». Cela ne rejoignait pas ce que je sentais au fond de moi, qui était beaucoup plus joyeux et fédérant. Et par la suite, j’ai rencontré beaucoup de personnes découragées par une vision très doloriste du message chrétien. Une vision complètement à l’encontre du message de Jésus, à mon sens. Jésus nous demande précisément de quitter la douleur, nos attachements, pour découvrir le divin en nous.

Quel message aimeriez-vous adresser aux chrétiens, et notamment aux religieux?

Vous connaissez la formule que Nietzsche adressait aux chrétiens: « Pour pouvoir croire dans votre sauveur, il faudrait que vous ayez l’air un peu plus sauvés ». Je trouve cela pertinent.

Vous-même, où se trouvent vos racines spirituelles?

J’ai grandi dans la tradition catholique, pratiquante. J’ai toujours senti cet appel à l’au-delà du visible. J’ai pratiqué la voie religieuse jusqu’à mes 32-33 ans. Puis je m’y suis senti un peu à l’étroit et j’ai cherché d’autres façons de nourrir ma vie spirituelle.

Comment vous situez-vous aujourd’hui par rapport à la religion chrétienne? Y a-t-il eu une rupture?

Certainement pas! Je travaille tellement à réconcilier les choses, à chercher l’unité… Je me sens plus que jamais proche du Christ. Je pense vraiment qu’il est venu fonder une voie spirituelle. Il n’est pas venu apporter une morale, des codes ou des dogmes. Il nous appelle à porter en nous un état d’amour inconditionnel. En revanche, je me suis éloigné de la structure de l’Eglise. En même temps, vu que c’est une structure qui nous offre des rituels qui rassemblent, et que j’aime participer à une communauté, je pratique à l’occasion.

(…)

Propos recueillis par Vincent Delcorps

(*) « Notre façon d’être adulte fait-elle sens et envie pour les jeunes ? » (Les éditions de l’Homme, 2020