« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )

Une importante rencontre islamo-chrétienne à Louvain-la-Neuve a rassemblé près de 120 personnes

02, Déc 2014 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Articles personnels,Dialogue     , , , ,   No Comments

Ce samedi 15 novembre 2014, le groupe de dialogue islamo-chrétien qui se réunit depuis deux ans à Louvain-la-Neuve a réussi à rassembler, comme en 2013, près de 120 personnes, dont un tiers de musulmans. Alors que nos relations mutuelles traversent actuellement un contexte international très pénible pour tous, un vrai dialogue où l’on s’efforce de s’écouter et de se comprendre dans le respect mutuel est plus important que jamais.

Il ne s’agissait pas, durant cet après-midi, de débats théologiques ou politiques, mais d’un partage d’expériences vécues par rapport à un souci commun de nos deux communautés : la transmission de notre foi et de nos valeurs, sujet fondamental auquel notre groupe avait consacré plusieurs réunions depuis le mois d’avril. Nous avons réalisé une vidéo de 25 minutes contenant les interviews alternés de chrétiens et de musulmans, des élèves, des étudiants, des parents, des professeurs de religion. Nous nous sommes ensuite divisés en carrefours pour partager notre vécu, nos expériences personnelles de la transmission, reçue et donnée.

Quelques exemples venant des musulmans : un étudiant de Syrie a confié que la guerre a tout bouleversé, y compris au niveau de la compréhension de la religion (« Il faut tout repenser »). Le nouveau président du centre islamique de L.LN. a témoigné de l’absolue nécessité de s’ouvrir et s’adapter à la société où l’on vit. Un professeur de religion islamique a souligné les valeurs prioritaires qu’il enseigne : respect et amour d’autrui, honnêteté, sincérité, non-violence.

Tous les carrefours ont constaté de profondes convergences spirituelles. Dans une société très matérialiste et individualiste, nos deux religions s’accordent sur l’importance de la foi en Dieu vécue concrètement dans le service et le respect d’autrui. Elle n’est pas à imposer, mais à proposer et à pratiquer, en famille et à l’école, deux lieux essentiels pour la quête de sens. Sans quoi on laisse les jeunes dans un vide spirituel qu’ils tenteront éventuellement de combler sur internet, avec tous les risques qu’on connaît.

Deux experts nous ont aidés à prendre de la hauteur sur cette question de la transmission. Altay Manço, docteur en psychologie sociale et directeur à l’IRFAM, et Olivier Servais, anthropologue et professeur à l’UCL.

Altay Manço, d’origine turque, nous a invités à ne pas nous contenter de vivre en « mitoyens », mais à travers des rencontres comme celle de cet après-midi, à devenir « citoyens », créateurs de confiance mutuelle. Confiance que l’école, lieu de formation à la compréhension de l’autre, peut forger. Et la famille : « Ma religion est la religion de ma mère » nous confiait-il également, en évoquant l’ouverture et l’accueil généreux de sa mère pour ses voisins de religions différentes dans son quartier d’Istanbul.

Olivier Servais, quant à lui, a évoqué le profond bouleversement que vit notre société en matière de transmission de foi et de valeurs. Les jeunes générations expriment leur quête de sens dans notre « société marchande » à travers un anti-dogmatisme hostile à toute autorité. La transmission entre générations est devenue plus difficile, car le langage a changé et il faut inventer de nouveaux mots pour exprimer la foi. L’expérience vécue est dès lors perçue comme seule garante de l’authenticité. Être croyant aujourd’hui ne signifie plus appartenir à un groupe social, mais être en recherche de sens à travers des relations vraies par-delà toute frontière.

Ce samedi nous avons un peu mieux compris que si nous voulons un avenir pour notre vivre ensemble, de telles rencontres très simples empreintes de respect et de bienveillance sont une des clés majeures.

Philippe de Briey et Bruno Vermeire

N.B. j’ai publié à cette occasion un article ds la Libre Belgique qui l’a titré: « Vous êtes naïfs, c’est de l’angélisme », objection à laquelle je réponds ds cet article – (pdb)