« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )
11, Déc 2014 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Articles personnels dialogue, Louvain-la-Neuve, rencontre, vivre ensemble No Comments
« Vous ne savez pas ce qu’est l’islam, vous êtes naïfs, vous êtes dans l’angélisme », voilà ce qu’on entend souvent à propos de ceux qui croient au dialogue. Pourtant, existe-t-il une alternative ? Quelle paix pourrait-elle surgir d’une absence de dialogue? En fait, rencontrer ceux qui sont différents de nous, dialoguer en profondeur et sans naïveté, n’est-ce pas finalement l’attitude la plus réaliste, la plus humaniste, la plus chrétienne aussi ?
(résumé de l’article de Philippe de Briey publié dans La Libre Belgique de vendredi 28/11/2014. (pages de Libre-débats. Titre et sous-titre sont de la rédaction)
Le fait est à remarquer : pour la deuxième fois à Louvain-la-Neuve, la rencontre islamo-chrétienne à l’occasion de la Semaine Européenne de Rencontres Islamo-Chrétiennes (SERIC) a rassemblé près de 120 personnes, dont un quart de musulmans, ce qui dépasse très largement leur proportion dans la région. Comment expliquer un tel succès, alors que les médias nous parlent presque chaque jour de décapitations, d’expulsion et de persécution des chrétiens et de tant d’horreurs en Syrie, en Irak, au Nigeria et ailleurs encore ?
C’est que les personnes présentes sont très conscientes que les musulmans et musulmanes qui vivent parmi nous ne sont pour rien dans les agissements des extrémistes, en particulier ceux du prétendu « Etat islamique ». Les musulmans sont en colère de voir le nom de l’Islam utilisé pour couvrir des crimes dont les victimes ne sont d’ailleurs pas seulement des chrétiens, mais des musulmans. Attention donc aux amalgames, aux stigmatisations, aux rumeurs, aux mails remplis de mensonges ! En insinuant la peur et la méfiance dans notre cerveau, ils sapent la construction laborieuse de la paix, comme la mérule attaque la maison, invisiblement mais sûrement.
Face à la tension et à la peur que les événements internationaux provoquent dans nos relations, nous devons plus que jamais nous rencontrer, apprendre à nous connaître, prendre conscience de nos préjugés. C’est ce qui s’est passé dans ce colloque, nous avons partagé nos expériences vécues de transmission de foi et de valeurs, reçues et données, et nous avons tous expérimenté que les autres ne sont pas ce que nous imaginions et que, par-delà les différences et les désaccords, nous sommes tous des êtres humains aspirant au bonheur, à la reconnaissance, à la paix. Avoir cela à l’esprit et dans le cœur est un préalable et une condition indispensable à la réussite des débats politiques ou théologiques, qui sont également importants. C’est bien pourquoi les deux experts invités, le psychologue social Altay Manço et l’anthropologue Olivier Servais ont témoigné tous deux que si de telles rencontres pouvaient se multiplier, les choses changeraient dans notre pays.
On nous dira : « vous êtes naïfs, c’est de l’angélisme ! ». Nous répondons : la naïveté n’est-elle pas plutôt de croire que des attitudes accusatrices ou méprisantes peuvent produire la confiance qui, on le sait, est absolument nécessaire dans les résolutions de conflits. Abandonner les stéréotypes, comprendre les besoins des autres, respecter leurs droits, ce n’est pas de l’angélisme, c’est simplement du réalisme. Ce n’est pas dans cette direction, malheureusement, que les choses semblent évoluer pour le moment. On assiste en Europe à une crispation des deux côtés. Certains ne cessent d’attaquer l’islam avec de la haine dans le cœur et cela ne peut que provoquer la radicalisation (critiquer avec respect, c’est autre chose).
Les chrétiens ne devraient-ils pas être en première ligne contre le repli sur soi, l’intolérance, le dénigrement systématique, l’arrogance ? « Si vous n’aimez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Tout le monde le fait ». « Mais vous, traitez les autres comme vous aimez que les autres vous traitent » (Luc, 6, 31-32). C’est avec justesse qu’on a appelé cela la « règle d’or » des relations humaines !
Il est bon de méditer aussi la parabole évangélique de la paille et de la poutre : nous avons tous tendance à nous focaliser sur les défauts des autres sans apercevoir que nous sommes ainsi aveuglés par la poutre de l’orgueil. Gardons-nous de l’orgueil collectif à l’égard des autres religions et cultures et reconnaissons nos propres problèmes collectifs. Nous favoriserons ainsi l’ouverture mutuelle et nous donnerons des chances au dialogue.
Philippe DE BRIEY
(article publié dans la Libre Belgique du 28-11-2014)
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