« Je crois en la religion de l’Amour, où que se dirigent ses caravanes,
car l'amour est ma religion et ma foi » ( Ibn Arabî )

Le manque de prêtres : une chance pour l’Eglise ?

24, Juin 2020 by Philippe de Briey">Philippe de Briey in Actualités chrétiennes,Foi chrétienne     No Comments

Par Daniel Marguerat

Selon l’exégète protestant,  « l’Église catholique souffre d’une erreur historique : avoir lié la vocation du sacerdoce au célibat obligatoire. Or, la tradition chrétienne la plus ancienne est d’accueillir des ministres mariés ou non, selon leur propre choix (ce que pratiquent les orthodoxes et les protestants). Il faut revenir à cette distinction entre célibat et prêtrise, car de cette confusion est née une fragilité structurelle de l’Église catholique ».

Son regard est un regard solidaire : « disons-le : protestants, orthodoxes, catholiques, nous sommes solidaires et nul ne saurait se réjouir des malheurs de l’autre. Ensemble, nous sommes le corps du Christ ».

[…]

Les chrétiens sont marqués par les scandales récurrents des abus sexuels dans l’Église catholique. Quelle lecture faites-vous de cette crise ?

De mon point de vue, l’Église catholique souffre d’abord d’une erreur historique : avoir lié la vocation du sacerdoce au célibat obligatoire. Or, la tradition chrétienne la plus ancienne est d’accueillir des ministres mariés ou non, selon leur propre choix (ce que pratiquent les orthodoxes et les protestants). Il faut revenir à cette distinction entre célibat et prêtrise, car de cette confusion est née une fragilité structurelle de l’Église catholique. Bien entendu, la pédophilie ou la sexualité déviante ne sont pas l’exclusivité du célibat, mais la multiplication de ces scandales précisément dans le catholicisme n’est pas un hasard : l’Église romaine est la seule institution religieuse qui impose le célibat à son personnel. (…)

Le discrédit actuel de l’Église catholique est profond. Comment peut-elle se relever ?

Ce discrédit est à la hauteur d’une confiance déçue, d’une confiance endommagée. Cela veut dire aussi que la confiance peut être reconstruite. Comment ? Je crois qu’il faut inverser la confiance, c’est-à-dire qu’elle doit venir des ministres. Prêtres et pasteurs doivent manifester leur confiance à l’égard des laïcs : ils sont le peuple que Dieu aime, que Dieu a choisi. Ils sont, comme le dit la Première Épître de Pierre, « la maison de Dieu, la sainte communauté de prêtres » (chapitre 2). L’institution doit tout faire pour former, équiper, encourager, valoriser les laïcs qui sont, eux, le peuple de Dieu. Je suis convaincu que le peuple de Dieu peut retrouver sa confiance en ses ministres, si ceux-ci redeviennent vraiment pour eux des serviteurs, des aidants, des accompagnants. C’est un renversement de regard qu’il s’agit d’opérer. Cette stratégie est d’autant plus délicate qu’on assiste aujourd’hui à une demande que je n’hésite pas à qualifier de régressive : la nostalgie d’un clergé conservateur et autoritaire.

Cela passe-t-il par une autre place faite aux femmes, dont les voix s’élèvent partout dans la société et dans l’Église ?

Dans l’Église, la place des femmes ne doit pas être abordée sous l’angle du droit, même s’il est légitime dans la société. Elle doit partir d’une reconnaissance de l’égale valeur de l’homme et de la femme devant Dieu. Le baptême fonde une communauté de frères et de sœurs, non pas de grands frères et de petites sœurs ! Il est vrai que sur ce point, l’Église catholique a pris du retard. Elle n’est pas en retard sur l’actualité ; elle est en retard sur la pratique de Jésus (ouverte aux femmes) et sur celle de l’apôtre Paul. Car, quoi qu’on en dise, saint Paul a fondé des communautés qui mêlaient juifs et Grecs, maîtres et esclaves, hommes et femmes, à égalité de droits et d’accès aux ministères. L’exclusion progressive des femmes fut le fait du patriarcat ambiant, et pas le fait de l’Évangile. D’ailleurs, l’actuelle pénurie sacerdotale pourrait être une immense chance pour l’Église. L’engagement de laïcs, hommes et femmes, pour animer les communautés paroissiales va conduire les femmes à prendre une place qui leur était jusqu’alors refusée. Faut-il dire que la pénurie a du bon ? Je me risque à le faire.

Extraits d’un entretien avec Daniel MARGUERAT, in La Croix du 4 avril 2020

Pour en savoir plus sur cette question: https://reli-infos.be/leglise-demain/